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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Plats d'âne

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Les amis, je suis encore sous le choc. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais la semaine dernière, jour pour jour, lors de ce petit divertissement, une des questions posées par Jacques m’a plongé dans une immense perplexité. Rappelez-vous (enfin, rappelez-vous, c’est pour ceux qui ont écouté la semaine dernière. Les autres feront leur acte de contrition, mais n’auront pas de mal à suivre, puisque j’explique…).

La question était : Pour mettre en avant leur patrimoine, qu’offrent les cuisiniers catalans ? Comme à l’accoutumée, cette question anodine fit l’objet de moult blagues et bons mots en tout genre. Mais la réponse, celle qui m’a entraîné dans les abîmes de réflexions que je vous livrerai juste après (quel teasing !), était la suivante : les chefs cuisiniers catalans servent des plats à base d’âne. Des plats d’âne. Vous vous rendez compte ? Déjà, cette réponse est terriblement inspirationnelle et mène à mille sous-questions. Mais c’est surtout le pourquoi de cette utilisation des plats d’âne qui m’a interpellé : l’âne catalan est en voie d’extinction. Ouaaaah ! Quel concept captivant ! Vous pensez bien, dès mon retour à la maison, juste après l’émission, Google m’a brûlé les doigts, je me suis rué comme un baudet sur le moteur de recherche et j’ai appris que l’âne catalan est connu depuis des siècles pour ses qualités. Il a longtemps été le fleuron de la Catalogne et a été exporté dans bien des pays comme améliorateur de race. A partir de 1950, la race a commencé à décliner. Elle est protégée depuis 1970. Environ 340 ânes sont recensés en 2004 sur toute la Catalogne, mais il en faudrait 1 000 pour considérer que le “burro catalan” n’est plus en voie d’extinction. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour eux… Si on ne consomme plus d’âne, il va disparaître. Si on s’habitue à bouffer de l’âne, on favorisera son exploitation, et donc, sa prolifération. Anesses, faites des bébés, on les bouffera, et comme ça, votre race restera des nôtres. J’ai enfin compris. Pourquoi se limiter à l’âne ? Pourquoi ils ne font pas ça avec le panda royal, l’aigle royal, l’ara macao, la baleine à bosse, le bison d’Amérique, l’okapi, l’orang-outan, l’ours blanc, le pélican blanc, le mouflon, le zèbre de plaine, le rhinocéros, le requin blanc, le koala, le loup gris, le jaguar, le puma, l’hyène tachetée, le castor d’Amérique, le renard roux, le tigre… On pourrait demander à Jacky Buchet de se spécialiser dans la branche et de faire des plats uniquement à base d’animaux en voie d’extinction. Miam, un râble de koala grand veneur. Un délice. Une fricassée d’hyène tachetée sur fond de sauce okapi. Et si ça marche, hop, finie l’extinction ! Je crois que j’ai enfin compris comment tourne le monde. Il était temps. En fait, ça rejoint le vieux truc des médecins et des malades. Si les malades sont guéris, ils disparaissent, et du coup c’est la fin des médecins. On imagine bien les médecins réagir et sensibiliser le public. Attention, malades en voie d’extinction ! Du pain béni pour les croque-morts. Si on inonde le marché de campagne contre les cigarettes, c’est parce que la cigarette est en voie de disparition. Pareil pour l’alcool. On vous dit que c’est très mauvais, mais on vous en fait consommer un max, parce que sinon, il risque de ne plus y en avoir du tout. Comme les ânes en Catalogne. Mais alors, les bagnoles et tout ça, c’est même combat. On sait très bien qu’il y en a trop et que ça fout le bordel, ça tue des gens, comme les clopes et l’alcool, et en plus ça pollue. Mais s’il n’y en avait plus, on serait obligé de nous les faire bouffer. Pour qu’il y en ait en suffisance. OK ? Mmh, je me suis laissé dire qu’ils servent un tout bon civet de Golf dans un petit boui-boui à Forest. Aaaaaaah ! D’accord ! Je ne suis pas sûr de tout à fait bien maîtriser mon sujet, mais donc, s’il y a tant de chasse antichômage, plan Activa, Rosetta, etc., c’est plutôt bon signe. C’est la preuve que les chômeurs sont en voie de disparition. Donc, il n’y en aura bientôt plus. C’est un peu pareil pour les ministres wallons, ce qui est peut-être contradictoire. Le jour où il n’y en a plus assez, on nous les fera bouffer. Comment ai-je pu rester si longtemps dans l’ignorance, face à un système aussi évident ? Mmmh, je me sens mieux dès à présent. Vous aussi, j’espère. De toute façon, là, je suis à court d’arguments, et si on ne fait pas quelque chose, je n’en aurai bientôt plus du tout. Et je n’aurai plus rien à dire.

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