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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Une collection d'anoraks

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Pourquoi faire semblant ? Je n’ai absolument rien à vous raconter. Je pensais vous faire un petit compte rendu du week-end dernier passé au festival BD d’une ville dans le centre de la France dont je préfère taire le nom… Et puis non. Rien à dire. Vous savez, un festival, c’est un nom qui inspire comme ça des images fortes de croisette et de starlette. Mais la BD, ce n’est pas le cinéma. Et la France, c’est un très beau pays mais pas partout. La gentille organisatrice venue nous chercher à l’aéroport nous a tout de suite mis au parfum : on est dans une région très calme, un peu triste et où il n’y a pas beaucoup de jeunes. Mmmmh. Un festival BD pour vieux. OK. Ce n’est pas aujourd’hui que je commencerai à faire du jeunisme ni à chercher des puces à la différence d’âge. Bon.

Je vous dis festival et vous voyez immédiatement le Carlton et la Promenade des Anglais. Détrompez-vous. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas eu le réflexe de faire des photos de la vue imprenable que nous avions de la chambre 103 de l’Hôtel Ibis qui longe la nationale.

Distraction, sans doute. Mais c’était tellement déprimant qu’on aurait dit une incitation à regarder Ruquier éructer sur TF1, au lieu de se délecter des beautés du paysage. Finalement, officiellement, je n’étais pas là pour ça. J’avais ma casquette de dessinateur de BD, ou plutôt de dédicaceur de BD. Pas tout à fait pareil. Alors, j’ai eu droit à ma collection d’anoraks. Anorak, c’est le terme utilisé dans le show-biz rock pour désigner le collectionneur fou de n’importe quoi, un peu sale et pas très futé, celui qui est incollable sur les dates des concerts et les anniversaires de stars et les anecdotes parfaitement futiles des rock stars. Hé bien, figurez-vous que la BD a aussi ses anoraks. Le temps était maussade, et ils n’ont pas eu tort de garder leur survêt’ dans la salle des fêtes où se déroulait le festival.

Il y a encore beaucoup de vieux qui aiment la BD. Je vous passe les inévitables clichés des lecteurs/collectionneurs, du style : “Hé, vous pouvez me faire un Titouf ? Moi c’est Roger, mais c’est pour mon petit-fils, il adore Titouf”. “Oh, dessinez-moi ce que vous voulez, ce qui vous passe par la tête, selon votre inspiration…” “Ah, moi j’ai toute la collection des Spirou depuis ma naissance. Ma mémé me le prenait toutes les semaines, j’ai tout gardé. Ça vaut beaucoup aujourd’hui ? C’est pas pour l’argent, maiiiiiis…” “Rhoo, dites donc, regardez ça, à quelle vitesse il fait un bonhomme ! Alors que moi, je ne sais même pas tenir le crayon en main !”

Un des moments forts de cette mondanité, ce fut d’abord l’allergie cutanée très violente et rapide de ma compagne, venue me soutenir. Elle qui déteste se faire remarquer s’est transformée en kroepoek géant en plein milieu du repas, devant tous les auteurs, organisateurs et autres élus locaux. Ils étaient tous autour d’elle, proposant un médecin, un pharmacien, un antihistaminique, un prêtre, un rebouteux… Jusque-là, ça va, mais comme si ça ne suffisait pas, juste avant le dessert, le plateau de fromage blanc crêmeux régional s’est écrasé sur la veste de ma belle allergique, ce qui en a fait une curiosité locale multicolore. Je ne suis pas sûr qu’elle acceptera de m’accompagner la prochaine fois.

Mais tout ça n’est rien, comparé au retour. Un gentil bénévole nous a amenés à l’aéroport sans vraiment savoir où il se trouvait et le quart d’heure de retard fut fatal. Nous n’avons pas pu prendre l’avion qui devait nous amener à Paris où le Thalys nous attendait pour nous ramener à bon port. D’ailleurs, un tout grand merci au commandant de bord (seul maître à bord, donc) qui nous a refusé l’entrée dans son aéroplane. Air France s’est beaucoup excusé, puis nous a gentiment suggéré de prendre un avion pour Lille puis un taxi jusqu’à Bruxelles. Le festival a promis de rembourser les frais de déplacement. Si jamais ils ne tiennent pas leur promesse, je vous dirai où c’était, ce festival de renverseurs de fromage.

Ah, j’oubliais, en plein vol pour Lille, une vraie belle zone de turbulences m’a fait croire que mes dernières secondes étaient arrivées. Je me suis dit : c’est trop con, mon dernier dessin aura été un Titouf pour le petit-fils de Roger. Finalement, non, l’avion ne s’est pas écrasé. Nous avons pris un taxi Lille/Bruxelles, un dimanche soir. Le chauffeur avait l’air content. La carte de crédit s’étranglait de rire dans le distributeur de billets. Bref. Comme je vous le disais, il ne s’est rien passé ce week-end. Je suis rentré totalement crevé, et incapable de pondre quoi que ce soit. Je vous avais prévenu.

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