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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Kroll un jour, Kroll toujours

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Ce n’est plus un secret pour personne : je n’aime pas les vacances. J’ai du mal avec l’oisiveté. Je ne partage pas ce besoin de marquer des parenthèses, d’interrompre la vie de tous les jours comme si le reste du temps, pendant la vraie vie, on subissait le lourd fardeau de l’existence. Les vacances, pour moi, c’est plutôt même une corvée.

Alors, les hasards de la vie m’ont fait accepter un petit job de vacances. C’est tombé juste bien, pour me faire bosser pendant que tout le monde se prélasse au bord de l’eau ou s’avachit à la campagne.

Tandis que d’autres profitent de l’été pour suivre des stages “plongée-macramé-jokari” ou “équitation-philosophie tantrique-pédicure”, moi, j’ai fait Kroll à la place de Kroll. Un stage Kroll. C’est Pierre qui m’avait proposé de le remplacer au pied levé (non, je n’ai pas dit qu’il dessine comme un pied, c’est une expression) au pied levé, donc. Il a trouvé les mots qu’il faut et il sait très bien que j’ai un mal fou à dire non. Pendant une semaine, j’ai accepté de pondre un petit dessin par jour pour un quotidien dont la politesse envers notre sponsor m’empêche de révéler le nom.

J’ai pu donc tester pour vous, ce que c’est de devoir remplir quotidiennement un petit espace dans un journal. Et essayer de tirer un sourire aux lecteurs journaliers de la presse écrite. Fameux défi. J’avais dit à Pierre Kroll à quel point je suis ignare de ce qui se passe dans la vie politique de notre pays, mais il m’a fait une offre que je n’ai pas pu refuser… J’ai donc joué à “Toi aussi deviens Kroll”.

Pour m’aider à accomplir ma tâche, quelqu’un du journal m’appelait pour me donner l’un ou l’autre sujet à traiter. Je peux dire assez fièrement que j’ai pas mal réussi à faire croire jour après jour à mon interlocuteur que je possédais super bien ma matière, et qu’à l’instar de mon illustre remplacé, j’étais incollable en politicaille belgouilleuse. Mensonge éhonté ! Je l’ai senti perplexe quand j’ai confondu BHV et BHL.

Il faut dire que le risque était très limité, puisqu’en période de vacances, souvent, l’actualité est très très calme. Les journalistes se cassent le tronc à trouver des sujets palpitants pour aguicher le lecteur. “Allô ? Bon, aujourd’hui on a le mauvais temps, les départs de vacances ou alors les bouchons sur les routes. Euh… Allô ? Aujourd’hui pas grand-chose. Euh, il a plu à la mer…” O.K. Cette expérience m’a amené à accepter mes limites, leçon d’humilité, je ne serai jamais Kroll - il est irremplaçable - et maintenant, je comprends pourquoi il est quelque peu stressé parfois. L’angoisse de la page blanche de tous les jours. J’ai aussi ressenti ce bonheur intense une fois que le dessin est livré. Quel soulagement ! Pour vous aider à comprendre, je ne vois rien d’autre que cette sensation d’extase quasi divine lorsqu’on évacue des cimetières entiers de bactéries après une digestion laborieuse.

Finalement, c’est assez chouette de remplacer un collègue pendant les vacances, pour quelqu’un qui n’aime pas les vacances. L’an prochain, avec un peu de chance, c’est Jean-Jacques Jespers qui me demandera de le dépanner pour quelques cours de rattrapage à des petites étudiantes en journalisme. N’hésitez pas, les gars, de toute façon, je ne sais pas dire non.

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