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[La semaine infernale, Juan d'Oultremont] Une panne de scénario

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Il est des informations dont on n’évalue pas directement la portée. Des événements classés un peu rapidement “périphériques” et que le temps nous renvoie dans les dents de devant sans qu’on ait eu le temps de faire : oups ! Ainsi, la semaine dernière les journaux, le mien, le vôtre, ont consacré leurs manchettes aux grèves qui paralysaient la France et c’est à peine s’ils ont évoqué celle des scénaristes américains en colère contre la mauvaise répartition de leurs droits d’auteur.

On nous a asséné des heures de radiotrottoir relayant les doléances de Parisiens ayant dû chausser leurs rollers pour gagner leur lieu de travail et à peine quelques entrefilets concernant ce débrayage qui a paralysé l’industrie hollywoodienne. Au-delà des répercussions que ce mouvement d’humeur risque d’avoir sur le bon déroulement de la saison 2 de “Heroes” et de la quatrième de “Desesperate Housewife” - et donc sur le moral général de la planète, du moins chez ceux qui ont réussi à payer leur facture d’électricité -, on se dit que par un curieux effet papillon, le syndrome semble nous avoir atteints dans la foulée. Une panne de scénario : finalement c’est ce que nous vivons depuis près de deux cents jours, non ? Même Jean Van Hamme vient de jeter l’éponge de son très populaire XIII, c’est dire que la crise est profonde.

Et pourtant, confusément, quelque chose nous dit que c’est précisément ce qu’il manque à la classe politique qui nous dirige : cette faculté de nous raconter une histoire un peu excitante. Un truc qui nous tienne en haleine la semaine durant. Une histoire classieuse, moderne et qui renouvelle le genre. Pas de vieux épisodes du Renard comme nous en ressert Didier Reynders. Pas de redifs de “Ma sorcière bien aimée” comme on les apprécie au CDH, ni celles de l’Homme Invisible (il doit d’ailleurs faire gaffe Yves Leterme, il est tellement transparent que s’il devient Premier ministre, il risque de ne pas apparaître sur les photos de famille lors des Conseils européens).

Non, ce qu’on veut nous, c’est d’une histoire inventive qui bousculerait les stéréotypes, avec des Flamands qui s’écraseraient en avion sur une île du lac de l’Eau d’Heure et qui devraient apprendre à cohabiter dans cet environnement hostile. Et des francophones aux mâchoires carrées, dotés de capacités “hors du commun” : la régénération cellulaire, la téléportation, la télépathie. Nous ce qu’on demande c’est un Premier ministre au 16 Wisteria Lane !

Je ne suis pas pour tirer sur l’ambulance, néanmoins il est un constat qui s’impose : dans notre pays, les truands ont un sens de l’épique autrement plus développé que la plupart de nos responsables politiques. Faites coacher Herman Van Rompuy et Armand De Decker par Nordine Benallal, et je peux vous dire que ça va décoller. Personne ne ratera plus une étape de la réforme de l’Etat ! Confiez la scission de BHV au dépeceur de Mons ou au pasteur Pandy et le problème sera réglé de manière rapide et originale… Mais voilà, comme nos scénaristes officiels semblent hors d’état d’écrire, notre indicible besoin d’histoire s’applique soudain aux personnalités les plus inattendues. Qu’Eddy Merckx, Patrick Roegiers ou Nana Mouskouri soient invités sur un plateau de TV et vous pouvez être certain qu’on leur demandera en fin d’interview ce qu’il imagine comme scénario pour la Belgique de demain. L’autre jour au JT, ils étaient sur le point de poser la question à Plastic Bertrand quand heureusement j’ai compris ma méprise : ce n’était pas Plastic Bertrand mais l’épouse de Jacques Wilmart, le pilote belge de retour du Tchad. Quoi qu’il en soit, on sent le Belge prêt à tout pour étancher sa soif de scénario, pour trouver l’auteur providentiel qui nous en ficellerait une fin tout à la fois inspirée et ouverte. Un “cliffhanger” comme on dit là-bas.

Ainsi, en début de semaine dernière, on a senti comme un frisson émanant du Palais. Ereinté par des colloques stériles, le Roi semblait avoir passé la main à la reine Paola qui d’emblée avait entamé ses consultations par une visite chez Les Petits Riens.

C’est vrai qu’on n’y avait pas pensé jusqu’ici !

Pourquoi pas une 176e saison de la Belgique écrite par ceux qui sont à qui d’habitude on ne demande pas l’avis ? Les petits et les sans-grade, les clodos, les handicapés, les germanophones, les quincailliers, les enfants du centre fermé 127 bis, les maîtres nageurs… Non, les maîtres nageurs, là il ne faut quand même pas exagérer.

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