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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Malade devant la télé

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Vous savez quoi ? Vous avez drôlement raison d’écouter la radio ! Et je parle en connaissance de cause, parce que j’ai été malade. Genre super broncho-trachéo-vasecto-pneumonie. C’est assez rare chez moi. D’être malade. Il y a plus de trente ans, ça m’arrivait régulièrement, parce que j’étais aux études, donc un peu comme un employé, et il n’y avait pas encore de boîte bienveillante comme Mensura pour venir vérifier si j’étais vraiment malade. Aujourd’hui, comme je suis mon propre patron, je me surveille, je traque mon absentéisme moi-même. Bon. Tout ça pour vous dire que pendant 48 heures, et contre mon gré, j’ai légumé devant la télé. C’est un choix, pas un remède prescrit par mon médecin traitant. Je me suis dit : tiens, puisque je suis quand même avachi par la fièvre, je vais un peu regarder la télé, tiens, pour une fois voir. Ça fait longtemps. Attention, j’aurais pu sombrer dans la facilité et visionner un coffret DVD. La saison 3 de Dr. House, par exemple. Mais non, ça c’est de la triche. Quand on est malade, il faut vraiment zapper, comme un légume téléphage lambda. Ça, ça vous requinque ! C’est comme une bonne tisane, un bon grog ! Houlà, mes amis ! Ma comparaison ne tient absolument pas la route. Une tisane ! La télé ? plus vraiment… De l’huile de foie de morue, à la rigueur. D’accord, j’étais malade, mais juste pas assez malade pour désensibiliser mes yeux glauques devant ce que nous servent les multiples chaînes d’aujourd’hui, pour remplir leur grille, pour interrompre les tunnels de pub, pour justifier leur existence de service public…

Je ne dois pas vous faire un dessin. Je vous épargne les interminables vieilles séries super mal doublées à la va-vite, qui n’ont qu’un effet somnifère et digestif pour les survivants du quatrième age. ZAP. Je vous fais aussi grâce des multiples documentaires de proximité sur les coins charmants gourmands de notre beau pays. C’est dingue, parce que c’est aussi ringard qu’il y a trente ans (la dernière fois que j’étais malade - voir plus haut) mais aujourd’hui, ils ont des ordinateurs et des caméras haute définition pour camoufler le manque d’inspiration. ZAP. Quelques minutes pleines de compassion. Un peu comme une visite. Comme si j’étais dans une clinique, et que j’allais voir la chambre d’à côté. Je tombe sur une blondasse, qui n’a, disons, vraiment pas l’air méchant. Elle parle beaucoup, toute seule, devant une seule caméra. Il y a plein de brol incrusté autour d’elle. Des numéros de tel. Des questions à la con. Des montants idiots à gagner. Elle aimerait vraiment qu’on l’appelle pour gagner. Elle insiste beaucoup. Elle doit meubler depuis une heure ou deux. Elle dit vraiment n’importe quoi. J’ai de la pitié. Je n’écoute même pas ce qu’elle dit. Elle non plus, visiblement. A quoi pense-t-elle ? Aux pauvres vieux libidineux en train de rêver sur son décolleté pigeonnant. Pfff… pas mon genre, non, chuis malade. C’est trop. “Dites, mademoiselle, je vais vous laisser, je regagne ma chambre !” ZAP. Ouille ! Encore une pathétique émission de fin d’année. Karen Cheryl qui fait de la promo. Pour quoi ? Pas pour son chirurgien esthétique, en tout cas. ZAP. Un hommage à Pierre Bachelet. Houlàà, un morphing entre Jacques Brel, Paul Louka et un couvre-théière. Vite ! ZAP. Allez, je vais tenter de rester plus de trois minutes devant l’incontournable série de video gags qu’on a déjà vus mille et mille fois et que YouTube a définitivement rendu obsolète. Le type se casse vraiment la gueule, il doit se faire vraiment mal. Les gens rigolent mais ça va, on est tranquille, ce sont des faux rires. Je sais que je suis malade, mais pourquoi ils font tous de la télé avec du mauve, du jaune, du rose, des couleurs criardes ? Mon écran ressemble à une boîte de cuberdons multicolores qui aurait fondu au soleil. Buerk. ZAP. Ah. Une bonne vieille émission d’archives. Voiiiilà de la télé. Voiiiilà des gens qui utilisaient un nouveau média avec inspiration, créativité et intelligence. Une pensée pour les Lachterman, Dasnoy, Mordant, Konen, Sasson, Manuel et Péché. Quoi ? Ils ne sont pas tous morts ? Non, non, je sais bien. Moi non plus, mais presque, si je ne me soigne pas. ZAP. Tiens, là, ils font de la pub pour les grands bandits et autres serials killers de notre beau pays. Ouaaah ! Ils ont mis le paquet d’effets d’images et de sons ! Patrick Hamers “Parce que je le vaux bien”… le pasteur Pandy “Vous avez bien choisi !” les tueurs du Brabant “Ta cagoule est plus propre que la mienne ! regarde comme elle étincelle”, etc.

Quelle télé pourave ! C’est vraiment la fin d’un monde ? On a cassé ce beau jouet ? Mais c’est peut-être moi, je dois être malade… Le pompon ? Ou presque ? Un numéro de “ça se discute” ou le pisse-froid de Delarue a invité tous des collègues de la télé pour nous dire à quel point ce n’est pas rose tous les jours de faire de la télé. Que c’est un métier ingrat, et qu’il y en a même des qui font une dépression.

Ce qui a fini par me guérir définitivement (en tout cas, pour les trente prochaines années) c’est la soirée d’élection de Miss Belgique. Peut-être la dernière, qui sait, hein avec tout ce qui se passe, ou qui ne se passe pas ? Houlààà ! Zecca, avec l’ex Miss Flamoutch, ça vaut douze Dafalgan Forte ! Schild en vriend show ! Wallonie oui oui oui ! Flanders ya ya ya ! Je le sens, ma bronco-pneumo-tracheobontosaurorie est finie ! Plus mal ! Guéri ! Vite ! Houlàà ! Je n’avais plus zappé depuis la “télé poubelle”. On en est carrément au stade de la “télé cercueil”, de la “télé fosse commune”. C’est monstrueux ! Regardez-moi toutes ces couleurs ! Tout ce prestige de pacotille de luxe à deux balles invendable même sur Ebay ! C’est à vomir ! Vite ! Un seauuuuu !

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