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[La semaine infernale, Gilles Dal] J'ai eu peur !

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Dites, la trouille que je me suis payée l’autre jour, en entendant à la radio l’annonce du décès de Raoul Reyes !

C’était le matin, je n’étais pas encore bien réveillé, et dans mon demi-sommeil, je me suis dit : ça alors, Raoul Reyers, notre Raoul, le bon vivant qui, semaine après semaine, dispense son humour typiquement wallon sur les ondes de notre beau pays… non seulement il est mort, mais en plus, il était le n°2 des Farc ! Raoul Reyers, numéro 2 des Forces armées révolutionnaires de Colombie ! Ça alors ! Qui l’eût cru ?…. Ou alors tout le monde savait, sauf moi ? “Quoi, Raoul Reyers ? Tu ne savais pas ? Mais enfin, tout le monde le sait : le jeudi soir, il enregistre “Le jeu des dictionnaires et “La semaine infernale”, et le vendredi matin, il prend son avion pour Bogota; là, il prend un bus pour une destination qu’il a toujours tenue secrète, même à ses plus proches amis, puis il se débrouille avec les moyens du bord (radeaux, lianes, dos d’animaux sauvages) pour aller retrouver ses collègues guérilleros au beau milieu de la forêt. Il y reste en général jusqu’au mercredi matin; là-bas, entre deux rapts, il profite de son temps libre pour écrire ses définitions du “Jeu des dictionnaires” et son billet de “La semaine infernale”, ensuite c’est le retour boulevard Reyers, et à nouveau, enregistrement”.

Ouf ! Heureusement, j’avais mal compris : non seulement Raoul Reyers n’est pas mort, mais en plus il n’appartient à aucune organisation terroriste. Distrait que j’étais, je l’avais confondu avec Raul Reyes !

C’est stressant, quand même, ces homonymies : imaginez qu’il y a des gens qui s’appellent par exemple Florent Pagny, qui n’ont rien demandé à personne, et qui paient leurs impôts ! Or, mettez-vous à la place d’un inspecteur du fisc qui, dans ses listings, tomberait sur un dénommé Pagny, Florent, tenancier d’un snack-bar à Villetaneuse. Notre inspecteur résisterait-il à la tentation de le harceler fiscalement ? Ne caresserait-il pas l’idée que peut-être, qui sait, tous les Florent Pagny ont vocation à dissimuler leur argent au fisc ? Et que dire d’une Paris Hilton qui émargerait au CPAS de Strombeek-Bever : la pauvre (c’est le cas de le dire) aurait bien du mal à défendre ses droits ! On entend d’ici les sarcasmes de l’agent responsable : “allez plutôt demander à votre cousine, aux States”.

Voilà bien un phénomène de société : à cause de la médiatisation d’un grand nombre de personnalités, toute une ribambelle de noms sont devenus impossibles à porter dans certains milieux.

Quelques exemples ?

“Jacques Higelin, coiffure pour hommes”.

“Centre de relaxation Nicolas Sarkozy”.

“Ecole de comptabilité Claude Despiegeleer”.

“Centre de fitness Woody Allen”.

“Pete Doherty, notaire”.

“Déménagements Coco Chanel et fils”.

“Pamella Lova, garde d’enfants”.

“Pompes funèbres Fred Jannin”.

Quelle injustice pour tous ces homonymes, exclus de fait de certaines professions !

Dans le cas de Raul Reyes et de Raoul Reyers, je me demande pour lequel des deux l’homonymie a été la plus gênante.

Certes, il ne doit pas être agréable pour notre Raoul national de se voir confondu avec un preneur d’otages; d’autre part, peut-être que l’humour wallon a très mauvaise presse en Colombie; à cet égard, il est possible - peu probable, mais possible - que Raul Reyes soit devenu guérillero par rage de se voir traiter du matin au soir d’artiste wallon par ses collègues de travail !

Je plaisante, mais cette question se pose souvent avec les homonymies : à qui profitent-elles ? N’est pas toujours le plus avantagé celui qu’on croit ! Un type qui s’appellerait Brad Pitt, par exemple, qui résiderait à Pepinster et qui serait célibataire, pourrait jouer sur l’ambiguïté en s’inscrivant sur un site de rencontres. Il n’aurait aucune difficulté, on imagine, à obtenir des rendez-vous; par contre, il aurait les plus grandes difficultés à gérer l’immanquable déception de sa cavalière au moment de la rencontre : “alors, c’est vous, Brad ?” “Ben oui”. “Brad Pitt ?” “Oui, oui”. “Ah…”

Il y a d’autres inconvénients à s’appeler Brad Pitt : imaginez par exemple la difficulté qu’il y a aussi, quand on porte ce nom, à faire venir un laveur de vitres chez soi. “Oui, bonjour, mes vitres sont sales, et je vous appelle parce que j’aimerais que vous m’envoyiez un de vos hommes”. “Pas de problème, on vous en envoie un demain ! C’est à quel nom ?” “Au nom de Brad Pitt”. Non ! Le raccrochage au nez est quasiment assuré ! Même chose quand on veut commander une pizza, ou téléphoner pour prendre rendez-vous chez le coiffeur.

Voilà pourquoi je dis : les gens connus devraient changer de nom, par respect pour leurs homonymes. D’aucuns me rétorqueront que le problème de l’homonymie se posera également avec un pseudonyme. Pour répondre à cette objection, j’aurai recours à la bonne vieille ficelle d’usage quand on ne sait pas quoi répondre : “je n’ai hélas pas le temps ici de rentrer dans les détails”.

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