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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] C'est pas parce qu'on a inventé Internet qu'on ne peut plus lire le journal

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Tiens, vous savez qu’avant…

Avant ?

Mais oui, avant avant. Il y aaaa… enfin avant, quoi. Eh ben, avant, il y avait un truc assez chouette appelé la presse écrite. Les gens qui voulaient un peu tout savoir sur tout se procuraient le “journal”. Ça faisait bien de lire le journal. Bon, évidemment, fallait savoir lire et ça demandait un petit effort. Les gens aimaient bien, ça parce qu’ils pouvaient dire “Tiens, tu as lu dans le journal que… ?” “Ouais, c’est dingue, hein !”

Un peu plus tard, avant, aussi avant mais moins avant, on a inventé ce qu’on appelle la radio, qui était un appareil assez fou, un “poste”, que les gens avaient chez eux, et qui leur permettait de s’informer aussi, mais sans devoir apprendre à lire. Des gens, d’autres gens, parlaient dans un micro et comme ça, les gens qui avaient une radio écoutaient ça et c’était chouette parce qu’ils pouvaient en parler entre eux le lendemain matin. “Tiens, tu as entendu à la radio que… ?” “Ouais, c’est dingue, hein !” Bon. Evidemment, les gens étaient obligés d’imaginer, comme ça en fermant les yeux, ce qu’on leur racontait dans le poste. Ça leur demandait un minimum de concentration.

Alors un peu plus tard, mais pas tellement, on a inventé un truc encore plus fou, et moins difficile que le journal qu’on doit lire ou la radio qu’on doit écouter : la télé. Un peu comme la radio, mais avec en plus des images qui bougent, comme ça tout est prémaché, on doit encore moins se fatiguer. On en a profité pour inventer les fauteuils, les cannettes et les chips, et même les saucisses tv.

Au début, ça allait : “Tiens, tu as vu hier à la télé ?” “Ouais, c’est dingue, hein !” mais c’était tellement chouette, tout ça, que tout le monde voulait en faire, de la télé. Alors, les chaînes se sont multipliées et on a dû inventer la zapette pour pas devoir se lever de son fauteuil. Economie musculaire appréciable. Du coup, il y avait tellement de choses à regarder que les gens ne savaient plus du tout de quoi ils allaient parler le lendemain matin. “Tiens, tu as vu à la télé que… ?” “Ah, non, moi, j’ai regardé TF1.” “Moi, j’ai le bouquet satellite avec 3 845 chaînes…” “Allez !” “Ouais, c’est dingue, hein !”

Les gens ne se fatiguaient plus trop à lire la presse, ni à écouter la radio qu’ils laissaient allumée, partout, comme ça, pour avoir un bruit de fond. Maintenant, ils font pareil avec la télé. Ils la laissent allumée en fond, pour avoir une présence, pendant qu’ils sont occupés à “surfer sur Internet”.

Un nouvel outil encore plus formidable, vraiment encore beaucoup plus fou. Sur Internet, il y a tout un peu mélangé. De la presse écrite, de la radio, de la télé. Et tout le monde peut en faire, de l’Internet. “Tiens, tu as vu sur Internet que… ?” “Quoi ça ? Ah, non, envoie-moi le lien !” “Ah, moi, j’ai Internet sur mon I-Phone…” “Ouais, c’est dingue, hein !”

Bon, euh, tout ça pour en venir à quoi ? Attendez, j’ai un peu perdu le fil. Qu’est-ce que j’ai bien pu vouloir dire ? Ah, oui ! C’est pas parce qu’on a inventé le micro-ondes qu’on ne peut pas faire un barbecue. C’est pas parce qu’on a inventé Meetic qu’on ne peut pas aller au Bal du Village. C’est pas parce qu’il y a des milliers de jeux online qu’on ne peut plus faire un bon Pim Pam Pet en famille. Et c’est pas parce qu’on peut cliquer, double cliquer, triple cliqu… Bon. J’adore Internet et les nouvelles technologies, mais je dois être un peu nécrophile, parce que j’aurais du mal à m’en passer, moi, de ces vieux supports obsolètes que sont la télé, la radio et la presse écrite (Ben oui, vous aussi, je suppose, si vous êtes ici… Ah bon, vous lisez lalibre.be ?)

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