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[La semaine infernale, Raoul Reyers] Un cadenas sur la couette

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Je n’en peux plus, je n’en peux plus ! On court tout le temps, tout le temps, tout le temps ! Le réveil sonne à 6h30 et si le café ne coule pas pendant le billet de Paul Herman, on est foutus ! On sait qu’on arrivera trop tard sur le ring qui sera de toute façon bouché ! Deux minutes de retard au lever = une demi-heure de retard au boulot ! “Tes chaussures, mets tes chaussures, on te le dit tous les matins, tous les matins !” “N’oublie pas ta clé. Il y a Batibouw cette semaine et je ne rentrerai jamais à l’heure. Si tu oublies ta clé, tu ne pourras pas aller à ton cours de guitare et n’oublie pas que la semaine prochaine, tu vas chez l’orthodontiste donc tu perdrais deux semaines de cours !”

Je ne sais pas vous, mais moi je suis saturé ! Je ne sais pas si c’est la fin de l’hiver ou quoi ou qu’est-ce mais je n’en peux plus ! Quand je ne suis pas à une fête d’unité, je suis à un spectacle d’école ou alors sur la route pour aller rechercher ou conduire à un entraînement de sport ou aux louveteaux, à la guitare, à un anniversaire au bowling ceci ou au parc cela ou à l’activité car wash pour payer une partie des frais du voyage scolaire dans la baie de Somme ou au bicross untel organisé par je ne sais plus qui. J’achète des bics pour “Dites vous deux, le match n’est pas fini !” des calendriers pour les scouts ensuite, je paie des cotisations pour la meute, le hockey, des entrées pour le spectacle de l’école, des bols de riz pour le carême, la natation, le macramé, l’eau, l’électricité, il faut du mazout, il n’y a plus de lait ni de Coca light, la voiture doit aller à l’entretien, tout arrive en même temps. Je paie tout le temps tout le temps tout le temps et je ne suis pas une planche à billets.

Tiens mon vieux voisin je ne l’ai plus vu ! Tiens, oui, au fond, ça fait des semaines ! Il est où ? Il était toujours là ! Même que quand je le voyais dans la rue je me jetais dans la haie pour ne pas qu’il vienne discuter pendant trois heures ! Il est où mon vieux voisin ? Il me manque ! Ah, tu sais où est passé le voisin ? Aux soins palliatifs ! Mon Dieu ! Depuis deux mois ! C’est pas vrai ! Je vais aller le voir, je l’aimais bien ! Ça ne vaut plus la peine ! Oh, encore une chose ratée ! Je dois filer !

Flûte, j’ai oublié mes médicaments ! Oh, je dois encore prendre de l’essence ! Rhhhooooo, grève des accompagnateurs, Batibouw, le bois de la Cambre fermé, deux accidents sur le ring ! M’en fous, je rentre, je me recouche, on verra bien. Début de dépression, on a généralement trois mois de congé de maladie, non ? J’en veux six, sinon je pète les plombs ! D’ici là, mon entreprise sera délocalisée et on aura peut-être un gouvernement !

Tout est moche et même le temps : de la pluie, de la pluie, de la pluie ! Je voudrais pouvoir mettre un cadenas à ma couette que personne ne puisse m’y trouver. Le monde est moche, mon pays est minable, ma ville est sale, tout le monde est gris, les gens se plaignent et ils ont peur et moi aussi et puis foutez-moi la paix maintenant je ne veux plus entendre que la pluie sur les volets.

Adieu.

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