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[La semaine infernale, Juan d'Oultremont] Dèche mode

The 2008-06-15 at 19:58 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Dans le cadre du nouveau contrat de gestion qui régit la RTBF et sur base de l’éthique que s’impose notre équipe, je promets solennellement ici (comme nous l’avons fait avant lui pour Gilbert Bécaud) de respecter une période de 24 mois avant de recommencer à dire du mal de Jean-Michel Folon - période qui sera ramenée à 15 mois, comme pour tout Belge ayant choisi de ne pas participer à l’effort de redressement de la Valonnie en s’installant à Monaco afin d’éluder l’impôt. Cette réserve, que nous nous imposons de bonne grâce, ne touche évidemment pas Bruno Folon, son neveu, pas plus que le défilé des Petits Riens qui s’est déroulé à Bruxelles samedi passé…(Silence)

Quoi? Il ne va quand même pas dire du mal du défilé des Petits Riens? Un des événements caritatifs les plus originaux et les plus VIP de la capitale! Une soirée hype qui fait sold out plusieurs mois à l’avance! Un mouvement de générosité auquel adhèrent les stylistes les plus réputés de notre pays!… Mais enfin bordel de tettes, ce type ne respecte donc plus rien?!?…

Attention, soyons clair: que des créateurs mettent leur talent au service des plus défavorisés, rien de plus normal! Que le rebut soit transcendé par la magie des artistes et que des oeuvres naissent de cette logique de recyclage, c’est aussi vieux que le monde: les moines zens confectionnent leurs habits les plus précieux dans les vêtements des morts, et tant l’Arte Povera que les sublimissimes collages de Kurt Schwitters ne fonctionnent que sur cette logique! Par ailleurs, que les plus nantis que nous sommes ouvrent leur portefeuille pour lâcher quelques billets, c’est bien, même si ce n’est finalement que la moindre des choses… Non, c’est dans l’articulation de tous ces paramètres que ça grince! Que des grandes bourgeoises se donnent le frisson en s’arrachant aux enchères une robe de chez Natan ou un sac de 5000 euros que les ateliers Delvaux ont fabriqué avec les dépouilles de sacs ou de vêtements destinés à ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois, c’est là que le grand écart me semble plus périlleux.

Est-ce que tout simplement les Petits Riens, les bénévoles qui y travaillent et ceux qui vivent la pauvreté au quotidien ne méritent pas mieux que cette effervescence d’un jour, à laquelle, sans doute, ils ne sont pas même conviés?… Même si elle est recyclée à des fins caritatives, l’idée d’enjoliver la précarité est une vacherie de concept de publicitaires. Le genre de trouvaille qui vous vient au volant de votre Saab décapotable. Pourquoi ne pas imaginer, tant qu’on y est, un banquet de charité où les plus grands chefs belges proposeraient un menu à 125 euros le couvert, préparé uniquement avec des boîtes de conserve récoltées par les Restos du coeur? «Les fayots et les céleris au jus de la bienfaisance» concoctés par Wynants et Bruneau, avec, pour faire l’événement, Delphine Boël au service en salle? Un happening mondain où, tout en affichant leurs libéralités, les gens aisés pourraient tester, pour un soir, le goût de la mouise… Est-ce que la pauvreté n’est pas tout simplement assez insupportable pour ne pas en faire l’objet d’un «place to be» ?

Excusez-moi de préférer l’initiative de la Banque alimentaire qui organise chaque année un «Non-Diner» où, sans la ramener, ni avoir à exhiber sa jolie fiancée, il est possible de souscrire à un «non-couvert»… Un repas virtuel destiné à lutter contre la faim et le gaspillage. Un truc qui n’éprouve pas seulement notre générosité, mais aussi les limites de notre solidarité et de notre empathie avec ceux qui en bavent!

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