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[La semaine infernale, Sergio Honorez] Pépettes et chocottes

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Je peux vous l’avouer: j’ai les chocottes. Les Iraniens sont redevenus méchants, ils ont la bombe atomique. Les Coréens aussi. J’ai beau les houspiller, les Meubles Mayeux-Golenveau ne m’ont toujours pas livré mon abri anti-atomique de jardin.

J’ai les boules: après les Tsunamis, Katrina et autres Wilma, un ou deux tremblements de terre au Pakistan, qu’est-ce qui va encore arriver? Inconscient, je n’ai toujours pas fait réparer la fuite de la véranda.

J’ai les pépettes: pas de vaccin contre la grippe aviaire. J’ai échappé à la maladie de Creutzfeldt-Jakob, mais c’est sûr, je ne peux pas être chanceux à ce point. Statistiquement, un jour, ça va me tomber dessus. J’ai beau insister, mon médecin refuse de me faire une ordonnance pour 1.253 doses de Tamiflu.

J’ai froid dans le dos, quand je vois ces émeutes dans les HLM de la banlieue française. J’ai les boules, quand Sarkozy propose de nettoyer les banlieues de la racaille qui y traîne. Et mon Karcher qui est en panne depuis que j’ai nettoyé la caravane!

Je fais pipi dans mon pantalon. Les édiles politiques tracent de nouvelles routes aériennes au-dessus de Bruxelles et les contrôleurs aériens annoncent benoîtement que le risque de voir tomber un avion au Sud de Bruxelles se voit multiplié par 2. Malgré les nombreux pots-de-vin, ma naturalisation comme citoyen wallon n’avance pas!

Je crève de trouille. On n’a toujours pas retrouvé Ben Laden. Malgré les camps secrets de la CIA installés en Europe Centrale, les Tchétchènes sont des fous sanguinaires avec le couteau entre les dents. Et mon pendentif Télé-Secours qui a été égaré par Taxipost!

Je claque des dents devant le réveil de la Chine, les délocalisations, la mondialisation, les prix du pétrole, le plan de pension, le déficit de la sécurité sociale, les pauvres crédits alloués à l’éducation, la culture sauce Star Ac…

Alors, j’abaisse les volets, je barricade mon salon, j’achète des boîtes de haricots en boîtes, du corned-beef et je stocke des bidons d’eaux. Ok. Ils peuvent toujours venir, je suis prêt.

Soudain, le téléphone sonne: c’est Jacques Mercier. Il me réquisitionne pour un enregistrement du «Jeu des Dictionnaires». A Gosselies. A Gosselies! Mais tu es fou Jacques! Gosselies, c’est la banlieue de Charleroi. Il y a des syndicalistes, des bandes maffieuses, des car-jackers, des négriers de la construction, par là-bas! Y aller, c’est comme si tu te promenais à Guantanamo un Coran sous le bras, ou à Kandahar avec l’effigie de Godefroid de Bouillon, ou à La Louvière, déguisé en Alain Zenner… Ta limousine blindée n’y résistera pas, ils ont des bazookas, Jacques! Et les gardes du corps modèles Lara Croft que tu as achetés à prix d’or à Khadafi ne pourront rien pour toi, Jacques! Suicide-toi si tu veux, mais sans moi, Jacques!

Mais… Mais, pourtant, je suis ici, en plein Gosselies! Il ne m’est rien arrivé. Une traversée sans encombre. Et devant moi, les visages sont joviaux, accueillants, sympathiques, hilares même. Abdelaziz, le barman, m’a servi une bière pression sans me traiter d’infidèle. Et là-bas dans le fond, Kevin et Priscilla s’embrassent amoureusement sous le regard bienveillant de leurs parents. En arrivant, Juan m’a serré dans ses bras, et une jeune fille m’a demandé de signer son carnet de poésie.

Finies les boules, les chocottes, les pépettes, les petites pralines dans le fond du pantalon. Quand je rentrerai chez moi, je vire mon abri anti-atomique Mayeux-Golleveaux, mon Karcher, mon pendentif Télé-Secours, le corned-beef, la Star-Ac, et à tous les partis politiques qui font de la peur leur fond de commerce, je leur dis: «Fourte!»

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