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[La semaine infernale, Sergio Honorez] Métaphore et allons-nous en

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Quelle ne fut pas ma surprise, l’autre jour, en regardant «Questions à la une», d’entendre parler du divorce possible entre la Wallonie et la Flandre. Non que l’éventualité d’une séparation des deux entités fédérées me soit insupportable, c’est la métaphore employée qui me titilla le cerveau: un divorce! Quelle image forte! Quelle simplification lumineuse! A plusieurs reprises, dans cette excellente enquête, la même formule fut évoquée, de manière, je suppose, à marquer plus facilement les esprits et à clarifier une situation institutionnelle assez compliquée. Ainsi, on parla de «pension alimentaire» qu’aurait à payer la Flandre à son ex-épouse la Wallonie. Je dressai l’oreille, prêt à entendre discuter d’une garde alternée, voire partagée, de la Communauté germanophone ou de la Région de Bruxelles-capitale, à assister à d’âpres négociations pour le partage des périodes de vacances: «Alors, Bruxelles ira quinze jours en vacances dans les Ardennes avec la Flandre, puis 15 jours avec la Wallonie à la mer.» Mais cette si belle analogie ne dura que le temps de deux ou trois comparaisons osées.

C’est là le danger des métaphores ou des allégories: elles tiennent plus ou moins la route au début de votre exposé, mais deux phrases plus tard, elles vous laissent tomber comme une vieille chaussette. Vous commencez votre phrase par un «Telle l’abeille butinant la plus belle des roses, ma chère Britney…» Et ni une ni deux, vous vous emberlificotez les pinceaux dans d’obscures histoires de pollen, de ruche, de reine, d’ouvrières, de miel… Votre discours n’a plus ni queue ni tête, et Britney est partie rejoindre Keanu au fond de la salle pour expérimenter d’autres comportements bien plus triviaux que ceux des abeilles.

Pour peu que dans un même discours, vous mélangiez deux ou trois métaphores à une ou deux allégories, histoire de simplifier et de rendre plus compréhensibles les idées que vous souhaitez exprimer, vous risquez de donner un mal de tête à un ordinateur d’une puissance de milliards de tera-bytes. Ça donne ceci: «Commerce et politique vont souvent de pair, et c’est un couple où l’on fait tenir à la morale le rôle de la… heu, où on fait tenir à la chandelle… à la morale, pardon, le rôle de la morale. Et c’est le contraire.» Cette phrase nous a été obligeamment prêtée par Frédéric Jannin. C’est un enregistrement qu’il conserve précieusement depuis des dizaines d’années. Le présentateur du JT de l’époque, Luc Beyer, n’est jamais arrivé à démêler l’écheveau de cette phrase alambiquée, et s’en mord encore les doigts.

Quant à moi, si je voulais vous décrire l’équipe de «La Semaine infernale» en usant de ces perles de la rhétorique que sont les métaphores, je vous dirais que nous sommes un peu les abeilles d’une ruche dont Jacques serait comme le Panurge du troupeau, tandis que Virginie est à elle seule la reine de notre fourmilière; et que chaque semaine, le labeur est, à l’instar de Sisyphe, un rocher représenté par chacune des définitions du «Jeu des dictionnaires». Et nous, tels les vaillants nains, veillant sur leur Blanche-Neige, nous menons à bien ce travail pour que les auditeurs, qui sont un peu à la radio ce que les cerises sont sur un gâteau, puissent goûter à l’ambroisie de notre ruche, et soient abreuvés au lait de notre connaissance, qui est au puits sans fond, ce que le seau ramène du Jardin des Hespérides.Ça ne veut rien dire, mais à la radio, ça fait joli.

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