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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] J'ai replongé

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Je ne sais pas vous mais moi, ça y est. J’ai replongé. Après quelques années où il était plutôt chic de dire «Ça va vous surprendre, mais moi, je ne regarde jamais la télé. D’ailleurs, c’est bien simple: je n’ai plus la télé», aujourd’hui, on dirait que le vent a tourné. Et ce n’est évidemment pas les Starac’, Loft, et télé-réalités à deux balles qui l’ont fait tourner, le vent. Mais ce sont les séries!

La série télé n’est sûrement pas un art nouveau. On a plus ou moins tous été nourris aux «Zorro», «Ma sorcière bien-aimée», «Chapeau melon et bottes de cuir» et autres «Saintes chéries» (avec Marthe Mercadier!). D’ailleurs lorsqu’on retombe par le plus grand des hasards sur un épisode d’une série qui a bercé notre enfance, les émotions se superposent, on est touché, ça sent plutôt la nostalgie, la tartine de chocopasta et le cécémel. Mais pour ceux qui ne le savent pas encore, les séries d’aujourd’hui vont «légèrement plus loin»…

Il est bien connu que la créativité des auteurs américains, ayant délaissé le cinéma devenu tellement politiquement correct, s’est déplacée vers la télé.

Donc, ça y est, j’ai replongé.

J’ai eu du bol, je suis tombé sur des bonnes séries, des vraiment bonnes. Parce que les séries, c’est un peu comme les femmes, euh, enfin un peu comme tout: il y en a tellement qu’on ne peut pas se les faire toutes.

Là, par exemple, c’est Gotlib - la légende vivante que je remercie ici officiellement - qui m’a incité à regarder «Six Feet Under» (six pieds sous terre), conçu par Alan Ball, le créateur de «American beauty». Un monument. Des épisodes d’environ une heure, à ce jour il y en a 63. Il faut avoir au moins 63 heures devant soi, et je vous assure que ce serait trop con de mourir avant. La famille Fisher tient une entreprise de pompes funèbres et se débrouille tant bien que mal, suite à la mort du père. Simple. Une mère, deux fils, une fille. Il ne faut pas deux épisodes pour s’attacher à ce petit monde à en crever. Moi qui vous parle, j’en suis au milieu de la deuxième saison et lorsque je rate un jour de visite à la famille Fisher, je suis vraiment frustré. C’est un code ces temps-ci: «Tu pars déjà? - Oui euh, je dois aller faire une petite visite chez les Fisher.»

Dans «Six Feet Under», on va légèrement plus loin que dans «Dallas» ou «Les feux de l’amour». D’abord, comme les héros sont confrontés quotidiennement à des décès en tout genre, les auteurs parviennent à aborder en permanence la chouette question de savoir ce qu’on fout ici - pas moi à vous lire mon petit billet, ni vous à m’écouter - mais nous tous, sur cette terre. A quoi ça sert, tout ça? Je reconnais que dans «Derrick», on peut se poser la même question, mais moins fréquemment, et c’est peut-être plus involontaire.

Il y a donc, sur un ton plutôt léger, des questions fondamentales omniprésentes. De plus, chaque personnage nous montre ses fantasmes, ses fantômes, ce qui nous permet de mieux encore pénétrer dans son for intérieur. Et il y en a pour tous les goûts: la mère, très catho postsoixante-huitarde en pleine reconstruction, le fils aîné dans une nouvelle histoire d’amour, la gamine lycéenne, attirée par les mauvais garçons. Et le fils cadet homosexuel. Alors là, si on se souvient des tout mignons jeux de bouche de Samantha dans «Ma sorcière bien-aimée», je peux vous dire que ce que David fait avec sa bouche et sa langue dans la bouche d’autres garçons, sans retenue, ça va effectivement «légèrement plus loin».

C’est ça, la vraie surprise. Dans les nouvelles séries télé de ce genre, on aborde tout. Pas pour choquer. Parce que ça fait partie de la vie. C’est. Il y a 30 ans, les Monty Python furent réquisitionnés à la direction de la BBC pour avoir osé citer le mot «masturbation» dans un de leur sketch. Ils se sont défendus en disant aux patrons: «Mais la masturbation, ça existe! Tout le monde se masturbe! Nous, on se masturbe, vous vous masturbez!»

Donc, aujourd’hui, puisque le cinéma ne le permet plus vraiment, les scénaristes se sont réfugiés dans ce genre populaire et passent sur les chaînes cablées américaines. Ils nous montrent avec une pseudo-légèreté des vraies choses que l’on voit peu ou pas ailleurs et posent des vraies questions. Alors, je sais qu’ils sont devenus les méchants, les amerloques, qu’ils ont choisi le président le plus biesse du monde, mais s’ils ne sont plus vraiment vingt ans en avance sur nous, on peut dire que là, ils nous montrent et abordent sans retenue des thèmes jusque-là non explorés.

Ah! Si des décideurs belges m’entendaient, on pourrait s’y mettre aussi! Pourquoi pas nous, les petits Belges? On a des bons auteurs, des bons comédiens. Allez! On se lance dans une belle chronique moderne? On l’appelle «Un cornet à trois euros, sauce andalouse». Ça montre la vie quotidienne d’une famille qui tient une baraque à frites dans la région de Charleroi. Le père vient de faire un infar dû à une fameuse surcharge pondérale, il tombe amoureux de son kiné et décide de tout plaquer. La mère a une liaison purement physique avec le fils cadet du garagiste qui lui livre de l’huile de moteur usagée pour ses friteuses. Le fils vient de faire un bébé à sa cousine de treize ans, mais a une liaison fusionnelle avec son hamster. Et la gamine se prostitue pour pouvoir s’acheter des fringues, des fruittella light et des ecstasy. Pas mal, hein. Bonne base. T’façon si ça ne marche pas, on peut toujours vendre l’idée aux frères Dardenne…

Bon, donc, n’hésitez pas. Ruez-vous sur les DVD de ces nouvelles séries américaines qui vont «légèrement plus loin» et la télé, finalement, c’est pas si mal.

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