1. Home Page
  2. La Semaine Infernale

[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Mars et Venus

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, je ne suis pas un homme de lettres. Je pratique plus ou moins les arts picturaux et les ritournelles ou les farces télé ou radio, mais question plume, pour moi, c’est plus laborieux. C’est pourquoi je m’attache à ne pas trop bâcler cette petite prose hebdomadaire et ce n’est pas toujours une chose aisée. Cette semaine, je me propose de vous évoquer une nouvelle grande vérité, un nouveau sujet que je laisse à votre jugement, sujet que j’intitulerai: «Je ne comprendrai jamais rien aux femmes.»

Pour être clair et rester modeste, je ne comprends rien à bien d’autres choses encore, pas qu’aux femmes, mais je ne voudrais pas vous ennuyer. Si j’abordais, là, comme ça, tout à trac, une tirade à propos de ma totale ignorance sur la fabrication des puits de forage, je ne serais pas sûr de garder votre attention. Je préfère parler des femmes. Même si, quelque part, il doit y avoir un rapport étroit entre les femmes et les puits de forage. Tout entre dans tout, comme on dit. Mais bon. Pour mieux cerner le problème, je suppose qu’il est dans la nature de l’homme de compartimenter, d’observer et de sentir les différences de ce qui l’entoure. A une époque où il est toujours bien question d’égalité de l’homme et de la femme, on pourrait négliger ce qui les différencie. Mais est-ce bien opportun? Cette différence de base, ne fût-ce que dans les fonctions de reproduction, doit sans doute influencer tout le reste, non? OK, la terre tourne, le monde change, les éprouvettes sont prêtes et les hommes auront peut-être des bébés un de ces jours, mais là, aujourd’hui, il y a tout de même encore cette différence de base. Non? Cette différence qui pousse à faire croire que le mâle chasse, et que la femelle, plus portée vers la nidification, est plus prudente, et se laisse chasser. Ou pas. C’est tout ça que j’ai du mal à cerner.

Si j’ai bien compris, et pour prendre un exemple commun, l’homme, éternel chasseur, quand il arrive dans un lieu public, porte son regard, assez immédiatement, sur les proies possibles, fait une sorte de sélection plus ou moins catégorique, et puis se met à foncer. «Bonjour bonsoir, je m’appelle Fred. Vous connaissiez cet endroit? Vous buvez quelque chose? Est-ce qu’on ne s’est pas déjà vu quelque part?» Etc.

Même si j’ai tendance à croire que nous ne sommes souvent que des objets entre leurs mains, il nous incombe de faire le premier pas, et d’engager d’abord la conversation. Une première question qui amène une première réponse, et la communication s’engage. D’après mes connaissances, tout se décide là. A la première seconde. Assez rapidement, l’homme peut tenter ceci: «Euh, on n’irait pas dîner un de ces soirs? Histoire de se raconter un peu nos vies?» Comme je ne suis plus tout à fait un préado, je crois avoir compris qu’inviter une femme à dîner en tête-à-tête veut à peu près dire qu’on irait volontiers plus loin. OK. On est civilisés, ça ne se fait pas de coucher tout de suite. On peut faire un ou deux trucs avant. Boire un verre, se désinhiber, manger un petit truc. Sortir son arsenal d’anecdotes, de pensées subtiles, de bon mots. C’est ce qu’on appelle les préliminaires.

Je connais des mecs qui ne perdent pas leur temps avec lesdits préliminaires, mais neuf fois sur dix, ça ne donne rien. «Voulez-vous coucher avec moi ce soir?» en guise de premier abord, c’est plutôt casse-gueule.

Ce serait tellement plus simple et ce serait surtout un gain de temps formidable, mais on n’y arrive jamais. Ceux qui le font se disent que si neuf fois sur dix, ça ne marche pas, statistiquement, la dixième fois, ça marche. Mais je supporte mal les râteaux, et les statistiques me font autant d’effet que l’audimétrie. Une sorte d’allergie cutanée. Donc, ne n’est pas pour moi.

La femme qui dit oui, en tout cas au premier dîner, veut-elle automatiquement aller plus loin? C’est ici que ça se complique. Si «oui» voulait dire «oui» et «non» voulait dire «non», ce serait tellement plus cool, d’autant plus à une époque de sites de rencontre, de Rendez-vous.be, de «blind dates», de «gagnons du temps, puisqu’on a droit à plusieurs vies, et allons droit au but». Mais bien souvent, plutôt deux fois qu’une, quand une femme dit non, ça veut dire oui. Ou en tout cas «non, mais oui», ou «non, pas là, ce soir, mais si vous insistez à coups de SMS, de messages ou de mails, alors oui». Et tout est dans cette nuance. En fonction du temps et de l’énergie que vous êtes prêt à dépenser, vous pouvez prendre le «non» pour un «non», et passer à d’autres assauts en traquant un vrai «oui», mais, et c’est là que l’expérience joue, vous pouvez aussi soupconner le petit «oui» discrètement caché derrière le «non».

J’envie la qualité d’observation et d’analyse d’un Gilles Dal, qui décèle habilement ce qui se cache derrière les mots et les formules toutes faites. En plus, il a une femme charmante, il n’a pas dû s’encombrer des masses de toutes ces questions sémantiques. (En fait, ça le regarde, hein, de quoi je me mèle?)

Pourquoi tant d’embûches? Ne sommes-nous pas simplement des animaux? A-t-on vraiment besoin de toutes ces questions-réponses? J’ai des amis plus fonçeurs, qui passent au rouge et ne s’encombrent pas des cette attente du «oui» ou du «non qui veut dire oui». Et surtout quand une femme vous fait sentir que c’est «non», franchement qu’est-ce qu’elle en sait d’abord? J’ai un ami dont une des formules récurrentes était «Comment peux-tu dire que tu n’aimes pas si tu n’as pas essayé?» J’aime bien cette question. D’ailleurs, à partir de maintenant, je propose une abolition totale du «non». Dorénavant, un non n’aura plus aucun poids. Fini. Non au non. Et vous allez me faire le plaisir d’accepter toutes de dîner avec moi, sans exception! Allez! A la casserole, euh, non… à table! Attendez, je prends mon agenda et on fixe une date…

Add a comment

required but not shared or displayed