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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] La rubrique des chiens crevés

The 2008-06-14 at 17:33 by Eddy. In La Semaine Infernale.

L’homme survivra-t-il en doutant de tout, en se passant une fois pour toutes de ces apaisantes convictions qui le laissent bien à l’aise continuer à amocher la planète?

C’est fou ce que ça a fait voyager les megabytes, cette histoire du chien de l’artiste contemporain latino. Skynet, Google, et autres Facebook ont été littéralement gavés de ce tchamtcham de l’art. Pour ma part, la première info que j’en ai eue venait d’une amie qui possède pratiquement un zoo à demeure, c’est dire si elle se rallie à la bonne vieille sentence “Moi, plus je connais les hommes, plus j’aime les bêtes.”

Ce fut la première d’une longue série à me transmettre son indignation pour ce véritable monstre qui se targue de faire de l’art en laissant mourir à petit feu, dans sa galerie, un misérable chien qui n’a rien demandé à personne, cette pauvre bête, et qui n’en a rien à foutre de risquer de se retrouver dans les bottins mondains de l’art contemporain. L’artiste nicaraguayen Guillermo Vargas Habacuc (finir son nom par couque, pour le chien, c’est pas très sympa…) s’était déjà distingué en déversant dans une galerie 300 kilos de tomates, jusqu’à les laisser pourrir, histoire de provoquer une réflexion sur le gâchis dans le monde d’aujourd’hui. “Aaaah mais oui, hein, c’est pour de déééénoncer, hein ! C’est très chic, hein ! Pour que les gens comprennent bien que c’est très mal de gaspiller, hein !”. Entre laisser pourrir des tomates et laisser mourir un chien, il n’y a qu’un pas. Et il n’est pas con, le Habacucuc, il laisse planer le mystère, et grâce à Internet et son lot quotidien de fausses rumeurs officielles qu’on-ne-sait-plus-en-qui-faire-confiance-ma-bonne-dame, et il déclenche un méga tollé général - plus de 2 200 000 signatures indignées. Mais tout ça, c’est du pipeau. Les gens sont naïfs, hein. Bien sûr qu’il n’a pas fait crever ce clebs, il a fait semblant. Les tomates, c’était vrai, mais le chien, quand même il n’aurait pas été jusque-là. Bon. Ouf, dites !

Je me disais aussi que l’artiste contemporain, c’est un gentil. Il est là pour pointer du doigt les ignominies de notre civilisation, mais pas au point de faire mourir une pauvre bête devant le monde entier. Ben non : un dictateur, ça oui, un serial killer, bien sûr, mais pas un artiste contemporain se mettrait à réveiller la bête immonde en tuant une autre. Et puis, pas besoin de ressortir les snottebelles de Strebelle pour montrer à quel point l’Art Contemporain, qu’il soit officiel du ministère de l’Art bien Officiel ou bêtement provocateur, ne s’adresse pas à n’importe qui. Faut déjà essayer de comprendre.

L’Art interpelle. Il ne s’adresse pas à la grosse masse d’internautes avachis devant leur écran, naïfs, concernés comme des gogos en quête de bonne conscience, tout juste bon à cliquer pour signer n’importe quelle pétition et la forwarder à “30 millions d’amis”. Tsss…

Allez, si on ne peut plus croire en rien du tout, mais qu’est-ce qu’on va devenir ? Je vous le demande. L’homme survivra-t-il en doutant de tout, en se passant une fois pour toutes de ces apaisantes convictions qui le laissent bien à l’aise continuer à amocher la planète ? Vous le saurez la semaine prochaine. Ou pas. Ou sur Internet. Suffit de taper “réponses” ou “vrai” ou “convictions” ou… Rooh, je ne sais pas, moi, débrouillez-vous un peu…

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