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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Beau et con à la fois

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Aaah, mes chers bons amis! Qu’est-ce qu’on est cons! Non? Allez, franchement. On est cons, hein!

Sans doute est-il de rigueur de nuancer et de préciser qu’on fait beaucoup les cons. Quand je dis qu’on est cons, c’est parce que c’est exprès, qu’on aime bien faire les cons, juste pour dénoncer la connerie ambiante. C’est un peu notre rôle, notre accoutumance à jouer constamment du second degré pour juste faire le con, et donc, pas vraiment être con mais faire semblant, pour bien insister. Parce que dans le fond, vous êtes tout sauf des cons, hein.

Rien qu’ici autour de moi, il y a une brochette de spécimens particulièrement intelligents. Ce n’est plus vraiment une caractéristique primordiale dans le paysage audio-visuel d’aujourd’hui, mais dans cette émission, l’intelligence est de rigueur. La connerie est tolérée, uniquement pour la dénoncer, fustiger, montrer du doigt.

Nous avons tous une forme d’intelligence différente et rien que l’idée de la distinguer pour chacun d’entre nous demanderait une intelligence nettement supérieure. Je n’ai pas dit que personne ne peut ici se lancer dans une telle étude, je viens juste de dire que nous sommes tous particulièrement intelligents. Mais disons que pour bien évaluer et compartimenter et comparer nos types d’intelligence à chacun, par exemple ici, il faut une vache d’intelligence.

A ce stade du récit, je dois vous faire une confidence: je ne suis pas vraiment intelligent. Et parfois je me demande si ce tic de «faire le con» pour dénoncer la connerie n’est pas en réalité un subterfuge pour cacher une certaine connerie. Peut-être pas une vraie connerie, mais en tous les cas un léger manque d’intelligence. Je ne pouvais pas garder ça pour moi. Et le fait de pouvoir déclarer bêtement haut et fort que je ne suis pas intelligent, ça me fait un bien fou! Comment ai-je pu attendre si longtemps avant de vous dévoiler ma connerie? Evidemment vous me direz, enfin, les plus intelligents d’entre vous me diront qu’ils avaient tout de suite remarqué mon manque d’intelligence. Bien vu! Pas con!

Je vous dois une explication. Tout ça est à cause de ma mère. Vous remarquerez que je parle très souvent de ma mère. Je vous explique pourquoi? C’est parce que c’est la seule qui lit mes billets dans «La Libre». Enfin, j’ai cette impression. C’est un peu con, je sais. Mais justement. Un jour ma mère m’a avoué qu’à ma naissance, elle a fait pas mal de prières - c’est un truc qu’elle fait régulièrement - pour que je ne sois pas trop intelligent. De son point de vue - et elle n’est pas conne, c’est quand même ma mère! -, trop d’intelligence ne rend pas heureux. Elle ne prétend pas qu’il faut être con pour être heureux, mais elle n’est pas loin de penser, et c’est une preuve d’intelligence de sa part, que les gens trop intelligents courent le risque de vivre moins bien à force d’utiliser à trop forte dose leur intelligence. C’est vrai que quand on réfléchit un peu, il n’y a pas dans ce monde de quoi être très heureux… Pas con, hein! Donc elle a beaucoup prié pour que je sois juste un peu con. Tout ça est finalement une affaire de dosage subtil.

Entre nous, j’ai réussi jusqu’à ce jour à lui faire croire que ses prières n’avaient servi à rien. C’est un petit mensonge d’agnostique. Pas con, hein? Ahaaa, Maman, tu as raté ton coup! Ah, tu as voulu que je sois un peu con? Raté! Je suis intelligent! Ç’aurait été trop con de montrer à ma mère que sa prière avait été exaucée et de commencer à faire le con, et de dissimuler mon intelligence. Donc j’ai préféré l’exhiber en public et venir faire le con avec vous dans cette équipe brillante composée de grandes intelligences triées sur le volet. Juste pour contrarier ma mère. C’est con, quand même, hein…

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