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[La semaine infernale, Sergio Honorez] A louer

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

La simultanéité entre la décision soudaine, prise par l’administration américaine, d’évacuer la prison d’Abou Graïb, et l’offre proposée par les banques belges d’offrir au candidat acheteur la possibilité de se faire octroyer un prêt hypothécaire en 40 ans n’est peut-être pas uniquement le fruit du hasard.Une aubaine pour les agents immobiliers, dont la faculté de surenchère et de superlatifs semble n’avoir plus aucune limite. «Magnifique loft à découvrir absolument. Tout le charme de l’Angleterre victorienne alliée aux douceurs de l’Orient. Un cachet unique. Prévoir quelques rafraîchissements (il fait chaud, l’été, à Bagdad). A découvrir absolument. Contacter l’agence pour connaître adresse et conditions.» Evidemment, quoi de mieux qu’un changement de nom et d’affectation pour faire oublier la honte d’un épisode peu glorieux de la glorieuse occupation américaine en Irak? Il doit quand même bien avoir quelque promoteur pour transformer la célèbre prison en boîte à la mode ou en hôtel de première classe «designé» par Philippe Starck. Mais qu’avait donc besoin Anne-Marie Lizin, elle qui, à peine quelques semaines avant son voyage à Cuba, prônait la fermeture pure et simple du camp de détention de Guantanamo, de se transformer en agent immobilier vantant le confort et l’espace dont disposent les détenus du camp américain: «Voyez comme c’est spacieux! Plus confortable qu’une prison belge! Tout le confort moderne. Vue sur la mer des Caraïbes. Possibilités de location à l’année.»

Il est vrai que, tant qu’à bafouer le droit international, autant que se soit fait dans une prison à l’hygiène irréprochable et à la climatisation performante. La bourgmestre hutoise vanterait-elle les avantages d’un rachat de la centrale de Thiange en ces termes: «Magnifique bâtiment industriel à l’architecture contemporaine. Nombreuses possibilités. Lofts, espaces ouverts. Libre à l’acte.», omettant, tout comme elle le fit pour le centre de détention américain, la véritable raison d’être de ce bâtiment. Au risque de retrouver ces locataires transformés en ludions fluorescents.

A sa décharge, on se demande bien où Victor Rousseau, l’architecte de la prison de Forest a trouvé son inspiration si ce n’est dans les châteaux de Louis II de Bavière. Bien qu’on n’entende pas encore s’élever au-dessus des murs la mélopée «Un jour mon Prince viendra», quand l’Etat Belge, honteux de l’état de délabrement des cellules et de la vétusté de la prison, prendra la décision de se défaire du bâtiment, il pourra confier la vente (où la location sous forme de bail amphythéotique) à Walt Disney Entertainment Corporation. A moins, qu’à l’instar d’Arcelor, on ne décide de la vendre comme décor aux producteurs de Bollywood.

Il est vrai qu’«être du côté des bons», exercice contorsionniste dans lequel excelle notre beau pays, peut se révéler extrêmement difficile: lutter contre le terrorisme international, MAIS dénoncer la torture; s’élever contre l’emploi d’aéroports européens pour le transit de prisonniers afghans, MAIS accueillir des avions de la CIA sur l’aéroport de Deurne; interdire l’emploi de mines anti-personnel, MAIS maintenir l’emploi hautement qualifié dans les fabriques d’armes; se doter d’une loi de compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité, MAIS restreindre les plaintes de manière à ne pas offenser des pays amis; défendre le prolétariat, MAIS se constituer une cave de Château d’Yquem millésimé; interdire le Coca dans les écoles, MAIS empêcher la fuite des cerveaux…

Si notre balance économique reste négative, c’est que les hommes et femmes politiques n’ont pas encore réussi à exporter leur savoir-faire unique en matière de haute-voltige et de contorsionnisme. J’espère qu’avant la fin de son mandat à l’Opéra de la Monnaie, Bernard Foccroulle aura la bonne idée d’accueillir le Conseil des ministres en résidence. Je me réjouis du pas de deux exécuté avec grâce et brio par la présidente du Sénat et André Flahaut, sur un air de Verhofstadt.

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