1. Home Page
  2. La Semaine Infernale

[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Des BV chez un WC

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

J’ai eu des Flamands à la maison. N’ayez pas peur, aucune incitation à la haine, quelle qu’elle soit. J’ai horreur de la haine. S’il y a bien une chose que je déteste, c’est la haine.

J’ai eu des Flamands à la maison, mais je m’y attendais. Ils sont venus tourner un film publicitaire. Ils cherchaient une maison comme la mienne. J’ignorais jusque-là que j’avais une maison au goût des Flamoutches. Attention, je n’ai rien contre, hein, je le répète. Bon. J’ai accepté qu’ils viennent faire ce petit tournage. En réalité, je pensais qu’il s’agissait d’un petit tournage… Deux petites journées, qu’est-ce que c’est dans une vie? Etant moi-même fils de publicitaire, j’ai énormément de difficultés à dire non. Ça m’amuse toujours de voir comment on s’y prend pour vanter les mérites d’un produit. Surtout que, de nos jours, avec la dose imposée par le ministère de l’Humour obligatoire, ce n’est plus vraiment de la réclame, c’est carrément du grand art.

On n’imagine pas toujours ce que c’est, un petit tournage. Et pourtant, ce n’était pas la première fois… Pour un petit trente secondes, il y avait trente personnes. Un Flamoutche par seconde! Impossible de ne pas se rappeler les «Bijoux de la Castafiore». Ici, c’était une grosse artillerie, enfin plus grosse que je ne l’imaginais. Trente personnes dans ma salle à manger, ma cuisine, les chambres des enfants réquisitionnées pour le maquillage et l’habillage.

C’est marrant, pendant deux jours, j’ai ressenti ce qu’un chat doit éprouver quand on lui change son bac. Une nervosité ambiante. Ils étaient partout, sauf dans mon bureau, que je gardais pour moi, histoire de travailler un peu (notamment rédiger ceci…). Le problème, c’est qu’ils avaient besoin de pas mal d’espace. Donc ils ont déménagé tout mon mobilier dans mon bureau. C’est dingue tout ce qu’on accumule, hein, avec le temps…

Me voici enfermé dans une pièce archi-bourrée de chaises, tables, fauteuils, bibelots, plein de brol pur, à chercher l’inspiration. Pas trop fort! L’assistante «réal» crie: «Stilte, alstublief!». J’essaye de réfléchir en silence. Difficile de penser à autre chose qu’à cette pub, si j’ai bien compris, pour une compagnie d’électricité. Des cyclistes roulent sur des vélos fixes reliés à des dynamos. Mais pas n’importe quels cyclistes! J’avais chez moi dans mon salon trois champions, drie «bévés», trois bekende Vlamingen: Roger De Vlaeminck, Freddy Maertens et Eddy Planckaert. J’espérais surtout impressionner Pierre Kroll en lui disant que j’avais trois champions du vélo à la maison, mais bon, lui, il est plutôt wallon…

Donc, un tournage très impressionnant, plein d’effets spéciaux. Un des soucis de ce petit tournage, c’est que les toilettes se trouvent juste à côté de mon bureau, et que le Flamand doit sans doute détenir le record de fréquentation des WC (ici, pas Wallon célèbre…). J’aurais mis un tablier et une petite soucoupe sur une petite table que je me faisais sans souci un bon petit pactole de madame pipi. Je n’ai vu aucun de mes cyclistes sortir avec l’une ou l’autre éprouvette, mais c’est toute l’équipe, pas seulement les coureurs, qui défilaient au petit endroit.

Le deuxième jour, comme si les trente ne suffisaient pas, deux équipes de la télévision flamande sont venues tourner un reportage sur le tournage de cette pub. La productrice m’a présenté au journaliste en disant: «Hij is zeer bekende in Wallonie». Zeer bekende, très connu, in Wallonie! Eh ben, vedette locale, en somme. Le journaliste m’a regardé avec un bouquet d’expressions faciales de condescendance mélangée à un sourire poli et une petite gêne de ne pas me connaître. Sans doute à peu près la même expression que celle que j’arborais quand j’ai salué les cyclistes, zeer bekende dans le monde du cyclisme, monde que malheureusement je ne connais pas du tout.

Je vous épargnerai toute considération du genre: le Flamoutche est efficace, travailleur, organisé, de peur de tomber dans des généralités, mais en tout cas, mes visiteurs étaient parfaitement corrects (à part la consommation intense de papier cul - qu’ils avaient apporté eux-mêmes). Ils ont remis la maison dans l’état dans lequel ils l’ont trouvée, en prenant soin de remettre chaque petit bibelot à la bonne place. Ce qui est formidable aujourd’hui, grâce à l’informatique, c’est qu’à la fin du tournage, on a pu voir carrément le montage final du spot, effectué quasi en temps réel. Trois bekende Vlamingen à vélo dans mon salon.Voilà. Je n’ai finalement rien trouvé d’autre comme excuse, pour ne pas avoir pu rédiger un billet convenable cette semaine. J’espère avoir dans les semaines qui suivent, je ne sais pas, moi, des termites, des rats, des Chinois, des champignons, des Martiens à la maison pour pouvoir vous raconter…

Add a comment

required but not shared or displayed