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[La semaine infernale, Sergio Honorez] Imagine tous les gens...

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Pas un journal, pas un magazine, pas une émission de télé qui ne puisse se passer des fameux «people». Pas un journal, pas un magazine, pas une émission de télé qui ne puisse afficher en couverture la tête de Benoît Poelvoorde, le buste de Cécile de France ou le mini-short de Jean-Michel Saive. Paradoxe sémantique: les «people» ne sont pas des gens (ouéééé!) comme les autres. Alors que le vocable «people» suggère une grosse masse d’inconnus, les «people» sont tout sauf des inconnus. On les connaît parce que de journal en magazine, en passant par les émissions de télé, ils sont partout, et sont donc très connus. La présence d’un «people» dans une émission de télé renforçant sa propre crédibilité de «people» lui permet d’accéder aux couvertures de magazine «people». La fonction de «people» s’auto-alimente, en quelque sorte.

Le problème, c’est que la presse et la télévision font une grande consommation de «people», et qu’on en a rapidement fait le tour. A fortiori dans notre petite Communauté française de Belgique, où, après avoir vu pour la énième fois Benoît Poelvoorde, Justine Henin, les frères Dardenne et Mme Laurent de «Télé-Secours» en couverture de tous les magazines, même des toutes-boîtes les plus improbables, on se retrouve en rade.

Dès lors, plusieurs solutions s’imposent: comme au carrousel, tirer sur sa floche, et refaire un tour. Re-Benoît Poelvoorde, re-Justine Henin, Re-frères Dardenne.

Ou autre solution: importer des «people» de l’étranger. Quelle aubaine, quand Johnny décide de reredevenir belge! Du pain bénit! C’est un peu comme les plats préparés par les grands chefs de restaurants que vous pouvez trouver surgelés en grandes surfaces. Pas de surprise: on est sûr du résultat.

Autre possibilité: fabriquer son propre «people». A l’aide de quelqu’un de pas connu, en faire quelqu’un de connu. Vous prenez votre voisin, le propulsez en couverture des magazines, vous l’emmenez à la télé. Il ne vous reste plus qu’à lui trouver une raison pour être là: apprenti chanteur, icône de la jeunesse, tout fait farine au moulin. Et puis finalement, plus besoin de justifier son état de «people», puisque l’état de «people» suffit à devenir «people»:

- Alors, Jean-Baptiste Van Aa, on vous voit partout. Quel effet cela vous fait-il?

- Ben, c’est chouette, quoi. On me voit sur les couvertures des journaux. Mes parents ont de mes nouvelles sans que je doive leur téléphoner.

On a l’impression qu’ils sont partout, ces «people»: au spectacle, au restaurant, dans toutes les fêtes du Royaume. A se demander s’ils ont autre chose à faire dans la vie.

- Alors, Jean-Michel Van Bée, on vous voit partout… Est-ce que vous avez encore le temps de faire autre chose?

- Ah ben non, hein. Demain matin, je fais la photo de couverture du nouveau magazine «people», puis, j’ai l’enregistrement d’une nouvelle émission «people», puis j’ai un défilé «people», puis le cocktail d’ouverture d’un restaurant «people». C’est vraiment un boulot à plein temps.

Les rues de nos villes, de nos campagnes, sont pleines de «people» potentiels, un véritable métier d’avenir. Que Monsieur Van Pé, Madame Van Cul, Mademoiselle Van Vée, ces anonymes de la foule, ne perdent pas confiance. Une fois les Poelvoorde, Henin et consorts épuisés, exsangues de tant paraître en télévision, de montrer leur cuisine dans les magazines de décoration, de donner leur hit-parade des romans de l’été, de porter les créations exclusives de stylistes flamoutches, vous allez voir, ce sera bientôt votre tour.

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