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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] Dépression post-partum

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Bon, ben, ça y est. Inutile de me voiler la face. Je suis en plein dedans. Ça doit être ça, je la sentais venir, j’ai cru passer à côté mais ce coup-ci, elle est bien là, j’ai nommé: la dépression. Je ne devrais pas me plaindre: tous les gens que j’admire sont dépressifs, d’André Franquin à John Cleese, de Marcel Gotlib à Spike Milligan. Donc, je devrais plutôt me réjouir d’être enfin des leurs. Parce que là, je sens que ça y est! Et pas une dépression riquiqui, hein. Pas la bête dépression post-vacances, celle qui pue la rentrée. Non. Moi, je fais une véritable dépression post-partum. Vous savez bien, celle qui survient après l’accouchement. C’est vieux comme le monde. Après des mois de gestation et d’attente, hop! Il fallait que ça m’arrive. Non, non, n’attendez pas de dragées et ne m’envoyez pas de layettes, c’est un bébé, mais de papier. C’est ce bloody nouveau bouquin de bande dessinée que mon éditeur avait programmé pour début septembre, et d’ailleurs j’en profite pour le remercier, car sans lui ce bébé ne serait pas né. N’empêche, quelle déprime…

C’était tout à fait prévisible, après ces dernières semaines compulsives. Vous savez, pour y arriver, et pour ne pas vous abandonner, j’en étais réduit à faire en alternance une page, une définition, une page, une définition. Le thème étant les nouveaux couples et les familles recomposées, j’ai même été jusqu’à m’inscrire sur un club de rencontre par Internet (on en reparlera une autre fois…). Donc vous imaginez la pression, le stress. Une page, une définition, une partenaire, une page, une définition, une partenaire… Non mais, c’est épuisant! Après une telle dépense d’énergie, il est normal qu’on se sente en route pour le trente-sixième dessous. T’façoooon

Est-ce qu’un peu d’auto-flagellation m’aiderait à sortir de cette déprime? Je n’ai plus d’appétit, je n’ai plus goût à rien, je ne dors plus de la nuit, et quand, par hasard, j’ouvre un oeil, c’est pour culpabiliser à mort, en pensant à tous les arbres qu’il a fallu abattre pour fabriquer cet album. Quelle honte! De quel droit je me permets une fois de plus de polluer cette planète déjà bien encombrée avec mes petits dessins? Pour qui je me prends d’envahir les librairies, quand il sort déjà plus de trois mille bédés par an. Non mais, qu’est-ce que je crois? J’aurais dû écouter mon ami Raoul, plein de bon sens, qui disait à la sortie de je ne sais plus quel opus d’un collègue: «Moi, je préfère écrire un jour un bouquin, mais un qui marche!»

Pff. Qu’est-ce qui m’a pris? C’est quoi, ce désir d’exprimer? Et puis d’abord exprimer quoi? Des grumeaux d’observation amusée de mes contemporains? Franchement, ils ne peuvent pas s’observer eux-mêmes? Comme s’ils avaient besoin de mon bouquin pour se regarder dedans! Quelle prétention! Pff… t’façon, après tout, je m’en fous, je suis en dépression, alors je ne vais pas m’exciter pour si peu. C’est fait, c’est fait. Je vais juste me bourrer de médocs, je vais demander au médecin un petit cocktail d’antidépresseurs et de neuroleptiques de derrière les fagots, et la semaine prochaine, vous n’y verrez que du feu. A chaque bon mot d’un de mes camarades, je rirai niaisement…

Je terminerai rapidement, juste pour souligner que ce billet traite de la déprime et n’a pas été écrit pour bêtement faire vendre le tome deux de «Que du Bonheur!» qui sort actuellement et qui s’intitule «A moi la garde!» aux Editions du Lombard, 13 euros dans toutes les bonnes librairies… Moi aussi, je suis contre l’autopromo dans les émissions de service public. C’est pas mon genre de profiter de ce genre de situation. Faire vendre! D’ailleurs si vous vous imaginez que ça aide à vendre un exemplaire de plus, détrompez-vous. T’façoooon

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