[La semaine infernale, Raoul Reyers] Elections personnalisées
The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.
L’autre jour, je reçois ce petit mail dont je vous lis un extrait: «Hé les mecs, on vit une époque formidable: Alain Destexhe, sa poule + sa fifille (8 ans) viennent à l’instant de sonner à ma porte pour me donner en main propre une invitation personnalisée pour sa future sauterie électorale à Auderghem. Elle est pas belle la vie?», m’écrivait Alain D. d’Auderghem, la victime de ce politic home jacking. Voilà donc la nouvelle mode: venir convaincre les gens chez eux avec femme, enfants et pourquoi pas quelques danseuses pour les plus récalcitrants. Moi de demander tout de suite: «Et sa femme, elle est bien?», et de commencer à converser sur ce sujet plutôt que du candidat dont tout le monde se fout et qui était de toute manière tout le temps au téléphone pendant que sa famille faisait des sourires!
Comme me le disait si à-propos Alain, bientôt Anne-Marie Lizin va venir faire des ventes à domicile de dessous érotiques dans votre propre maison hutoise. On pourra aussi voir André Flahaut vous apporter personnellement votre tarte al djote commandée par téléphone à Tarte al djote 30’, la meilleure tarte al djote de Nivelles. Il arrivera sur sa mobylette, coiffé d’un petit chapeau de Spirou au logo de l’entreprise et viendra lui aussi vous choyer à domicile.
Ayons une pensée pour les citoyens d’Andenne, obligés d’offrir une petite goutte à Claude Erdekens venu s’asseoir dans leur salon en cuir de chez Mailleux pour leur expliquer son programme alors qu’il y a «Place Royale» à la télé. Ou Guy Coëme à Waremme venant égayer les quartiers hesbignons avec son petit hélicoptère Agusta en modèle réduit, souvenir du bon vieux temps de la politique de papa. Jacques Simonet marchant dans les rues d’Anderlecht au son de la fanfare et affublé du costume de majorette emprunté à Juan. Alain Mathot jetant des oranges à la population seraisienne tel un Prince carnaval salué par ses citoyens pressés aux fenêtres pour le voir passer. Tiens, au fond, doit-on payer des droits de successions lorsqu’on hérite d’une multitude de voix de préférence? Je suis certain qu’il doit encore y avoir un vide juridique sur la question.
Moi j’ai beaucoup plus de chance puisque mon bourgmestre, c’est Jean-Luc Dehaene et je suis certain qu’il ne passera pas ma porte. Nous devrons deviser sur le seuil et il ne reste qu’à espérer qu’il ait de la chance avec le temps. Seuls les habitants de Jodoigne pourraient espérer avoir la même chance que moi si Louis Michel voulait devenir bourgmestre. Ah non, c’est vrai, Jean-Claude Van Cauwenberghe a un peu forci depuis les affaires.
Le mieux serait quand même de pouvoir voter à domicile plutôt que de devoir s’infliger des files d’électeurs sentant le chien mouillé par un pluvieux dimanche matin d’octobre. Tous les candidats éligibles devraient passer à la maison faire signer leur papier en bien ou en mal. Chaque citoyen aurait deux cachets encreurs, un gros rouge OUI qui ne pourrait encrer qu’une seule fois et un gros noir NON utilisable à souhait. Seul le candidat élu arborerait sa voix de préférence.
Trêve de plaisanterie, bientôt le ballet incessant des camionnettes remplies d’affiches électorales et de pots de colle à tapisser, tous les endroits souillés de têtes approximatives, toutes ces rixes entre colleurs qui vont interrompre nos nuits, tout ce gaspillage d’énergie, de moyens, de sueur juste pour que certains puissent se montrer partout.
Donc on en est maintenant sûr, le ridicule ne tue pas, sinon il y aurait plus d’un de nos hommes politiques pour qui on aurait déjà écrit l’épitaphe. Ci-gît notre bourgmestre bien aimé, mort en campagne à la campagne, victime de ce ridicule qui ne lui a laissé aucune chance.
