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[La semaine infernale, Frédéric Jannin] C'est bien, mais j'appelle pas ça un avis

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

J’ai un ami qui s’expose. Un ami (dont je préfère taire le nom) a choisi d’exposer ses oeuvres accumulées depuis des années de création. On aime ou on n’aime pas, chacun fait ce qu’il veut. Mais ce qui m’interpelle et qui fera peut-être le sujet de ce petit billet, c’est une critique dans la presse. Quelqu’un (dont je préfère taire le nom) a jugé bon de juger. A une époque où la préoccupation principale est de “trouver”, cette personne s’est permise de dire à ses lecteurs quelque chose du genre : “je trouve que c’est pas bien”, ce qui revient à dire “je trouve que c’est mal”. Ah là là ! Le bien et le mal une fois de plus viennent parasiter notre petit monde qui n’a que le mérite d’exister. On aime ou on n’aime pas, mais on se doit de trouver et de crier haut et fort qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Ben quoi, on peut quand même dire ce qu’on trouve. Donc ce qui compte, ce n’est pas tant le fait de blesser ou non la personne qui a créé les oeuvres exposées, mais bien d’exprimer, d’émettre un avis. Il est primordial de répondre, en son âme et conscience, quelque chose de sensé à la question “Alors, tu as aimé ou pas ?” “C’est bien ou c’est pas bien ?” ou pire “Ça vaut la peine ?”. Alors, bien souvent, l’échappatoire jubilatoire consiste à sortir ceci : “Oui, c’est bien ou c’est pas bien, mais moi, je n’appelle pas ça de l’art, hein”. Ouf ! Trouvé ! Dans le même genre, quand j’étais petit, j’aimais plutôt bien la bande dessinée, pour ceux qui l’ignoreraient. Des connaisseurs (dont je préfère taire le nom), des détenteurs du bon goût me disaient : “La bédé, on aime ou on n’aime pas, mais moi, j’appelle pas ça du dessin ! Va voir dans les musées, regarde pendant des heures un Michel Ange, un Da Vinci, un Lautrec…”. Evidemment, depuis, l’eau a coulé sous les ponts et la figuration narrative est entrée dans les musées… Je me suis plongé dans une grosse entreprise de sauvegarde de vieilles VHS pourries sur DVD, ce qui m’amène à revoir des émissions rock d’il y a 25 ans (Folllies ou Génération 80 !) et la aussi, je redécouvre bon nombre de titres et de groupes. Certains sont restés au-devant de la scène, d’autres ont sombré dans l’oubli. Mais tous appelaient sans exception un bon “c’est bien ou c’est pas bien mais moi, j’appelle pas ça de la musique, hein !” Ouf ! Ben alors, appelons ça autrement… Je ne sais pas si ce que nous faisons ici devant vous s’appelle de la radio, ou de la scène enregistrée, ou du comique troupier, ou de la sociologie à deux balles, mais il y a quelques semaines, on s’est amusé à mettre en images notre prestation hebdomadaire, voulant partager notre enthousiasme et faire vivre en images la magie à laquelle vous assistez. C’est marrant parce qu’on s’est à nouveau trouvé devant un excellent trouveur (dont je préfère taire le nom) qui nous a sorti : “C’est bien (ou c’est pas bien) mais moi, j’appelle pas ça de la télé”. OK. On ne le fera plus. Je pourrais décliner cette routine des détenteurs à l’infini “Ah ! Moi, j’appelle pas ça du cinéma, hein, moi j’appelle pas ça de la danse, moi j’appelle pas ça de la gastronomie, hein… dites ! Dites, Bush, cette guerre en Irak, c’est bien ou c’est pas bien, on aime ou on n’aime pas, mais moi, j’appelle pas ça une guerre, hein !” Appelez ce que vous voulez, mais laissez-nous faire, que diable ! Faisons ! On fait ce qu’on fait, on cherche, et vous n’avez qu’à trouver si vous y tenez. En finira-t-on un jour avec ce bien et ce mal ! C’est bien ? C’est mal ? C’est. C’est tout !

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