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[La semaine infernale, Sergio Honorez] Littératures électorales

The 2008-05-01 at 08:00 by Eddy. In La Semaine Infernale.

Il faut quand même être un peu maso pour faire de la politique. Qui d’entre vous aimerait voir sa tête déchirée, ses oreilles décollées, sa bouche édentée, ses yeux enfoncés, ses cheveux décuplés, fut-ce sur une affiche électorale. Il faut vraiment aimer se voir traîner dans la boue pour apprécier être surcollé, tagué, déchiré en lambeaux, et finalement, terminer sa carrière, un jour de drache diluvienne, dans la bouche d’égout la plus proche. Maso, je vous dis.

Et je ne vous parle pas des dépliants, folders de toutes sortes, avec la tronche des candidats en gros plan. Des dizaines de tonnes de papier, qui sous prétexte d’informer l’électeur, finissent dans la boue des files de bureaux de vote. Selon le parti, on peut quand même y trouver une utilité quelconque : par exemple, les dépliants écolos me servent à emballer les fanes de carottes et queues de haricots, lors de la confection de la soupe dominicale. On reste dans leur domaine, c’est logique. L’été indien que nous avons connu au mois de septembre fut propice aux derniers barbecues de l’année. Bon nombre de tracts électoraux de la région carolorégienne seront employés à bouter le feu aux morceaux de charbon, pour finalement s’évanouir en fumée, un peu à l’image des deniers publics.

Je parle de barbecue, mais je vois de mes amis conserver soigneusement des piles de folders électoraux en prévision des feux de bois qu’ils ne manqueront pas d’organiser cet hiver. Et de voir, avec un plaisir sadique certain, se tordre, se racrapoter, se recroqueviller sous l’effet de la chaleur la tête d’Alain Desthexe, Bernard Anselme ou Joëlle Milquet. Une sorte de mise au bûcher virtuel, en quelque sorte.

J’ai vu un de mes voisins ramasser les crottes de mon chien avec Sabine Mathus. Comprenez bien : pas en compagnie de Sabine Mathus. Avec un tract de Sabine Mathus. Elle n’avait pas l’air très belle à voir, avec sa tête toute chiffonnée et souillée de déjections canines. Heureusement qu’elle n’avait pas cette tête-là, quand elle était speakerine de RTL. Quoique, pour une fois, sa tête aurait été en parfaite concordance avec le contenu des programmes.

Il y a des candidats qui trichent. Ils mettent une photo vieille de six ans, histoire de les avantager au physique. Il devrait y avoir une loi, comme pour les cartes d’identité, obligeant les candidats à faire figurer une photo récente. C’est vrai, il faut être un peu maso, pour faire figurer sa tronche sur des vingt mètres carrés. La moindre verrue fait dans les cinq centimètres de diamètre. Vingt mètres carrés, ça vous met, si je calcule au pif, la tête de José Happart dix fois plus grande que nature. Un spectacle bien plus effrayant pour la morale que l’innocente et belle photographie d’Araki, récemment attaquée au cocktail Molotov, devant le musée de la Photographie à Charleroi. Surtout que le Happart, il revient à chaque élection depuis vingt-cinq ans.

Bon, c’est vrai qu’on ne leur demande pas d’être des modèles de beauté, aux candidats. Quoique, quand je regarde la liste des candidats MR de mon quartier, on pourrait confondre avec l’élection de Miss Belgique blonde platine de plus de 40 ans. Il y en a, parmi les candidats, qui ont de la chance : dans mon quartier, il y a une candidate qui s’appelle Maison. Madame ou Mademoiselle Maison. Son programme : “Une maison pour tous !” Si, si, je vous assure, elle n’a pas cherché plus loin. Un nom, un programme. C’est quand même du bol. Parce que “Un Van Cauwenberghe pour tous”, on aurait dû s’en douter, c’est franchement pas terrible comme programme. Oui, moi je vous le dis : pour être candidat aux élections, il faut avoir du bol. Ou être maso.

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