[La semaine infernale, Juan d'Oultremont] Dimanche avec ou sans majorettes

The 2008-06-15 at 22:36 by Eddy

On a beau éprouver de l’empathie avec le monde, se sentir solidaire d’avec toutes les tuiles et les attentats qui secouent la planète, il y a des limites. Parfois la déferlante est telle que se regarder le nombril apparaît soudain comme la seule alternative. Ainsi, je me retrouve au retour des vacances face à la pile de journaux qui rassemblent ce que l’été a compté de catastrophes (des incendies portugais aux urines décongelées de Lance Armstrong, en passant par la dramatique séparation de Patrick Ridremont et Virginie Efira) et, malgré ça, je ne peux me soustraire à la seule question qui m’occupe en cette première semaine de septembre: où vais-je trouver une fanfare pour accompagner ce dimanche le bataillon de majorettes que je forme depuis quelques années avec les hommes de mon quartier? Nos jupes en léopard vert fluo ont été repassées. Nos bottes blanches et nos chapeaux à plumes roses n’attendent plus que la première répétition. Tout est absolument sous contrôle, si ce n’est que la fanfare qui nous accompagnait l’an passé vient de jeter l’éponge. Bien qu’ils évoquent des problèmes de calendrier, je suis sûr au fond qu’ils sont tout simplement gênés. Il faut dire qu’en regard des convulsions du monde, se compromettre avec un bataillon de majorettes mâles n’est pas glorieux, surtout si vous êtes sortis du conservatoire avec un premier prix de tuba.

On peut même dire que c’est consternant. Tout le monde attend avec angoisse la sortie du nouveau Houellebecq, la prochaine augmentation du fuel de chauffage ou les photos du mariage de Mimi Mathy, et moi je regarde mes jambes en me disant que j’ai sans doute investi pour rien dans la crème autobronzante, que cette année faute de fanfare nous ne sortirons pas…

J’ai honte et pourtant mon esprit n’est plus disponible à quoi que ce soit d’autre. J’ai beau savoir que, durant ces deux mois, la terre a été mise à feu et à sang, que Suez à fait main basse sur Electrabel, et qu’après une nouvelle suspicion de paternité chez une hôtesse de l’air, le prince Albert de Monaco s’est retrouvé sur la liste noire des compagnies aériennes les moins sûres, et bien tout ça me paraît dérisoire à côté de mon problème de fanfare.

Le pire c’est que, si je continue à porter à bout de bras ce projet débile de bataillon de majorettes garanti 100pc non épilé, c’est par pur civisme. En effet, les crashs aériens, les ouragans et les guerres civiles ont beau être télégéniques, la démocratie commence au coin de la rue. Avant de nous trémousser de la baguette sur l’air de «Ce soir, je serai la plus belle pour aller danser», je ne connaissais le nom d’aucun de mes voisins. Je les croisais dans la rue sans même les saluer. Autant vous dire que depuis qu’on sort une fois l’an en minijupe et en chapeau fuchsia, même leurs femmes tiennent à ce que je connaisse leur prénom. On va jusqu’à fleurir la façade des nouveaux habitants pour être sûr qu’ils viennent rejoindre notre clique d’allumés de la gambette. Quand je pense que dans la même semaine j’ai été voir Pina Bausch, et que je me compromets dans des chorégraphies aussi improbables!

Le pire c’est que, jusqu’ici je n’ai pas accordé la moindre attention aux jérémiades météorologiques de ceux qui ont passé tout l’été en Belgique. Mais s’il devait pleuvoir dimanche, là, vous m’entendriez! Non, il ne faut pas charrier. Que le déluge s’abatte sur La Nouvelle-Orléans, c’est une chose, mais pas ici. Pas le jour où je sors avec mes majorettes…

[La semaine infernale, Raoul Reyers] L'heure de décharger son surplus de venin

The 2008-06-15 at 22:35 by Eddy

Aaaah, enfin la reprise de la Semaine infernale. On n’en pouvait plus de retenir notre venin, de garder pour nous toutes les rancoeurs qui nous ont tenaillées pendant deux mois! On va pouvoir vomir tout notre fiel petit à petit comme un goutte-à-goutte de semaine en semaine. Etre méchant à longueur de semaine, ça maintient les neurones en forme.

Il était temps que je me lâche moi! Se retenir d’être médisant c’est un peu comme si on avait plus pu aller faire pipi pendant deux mois! D’autant qu’il paraît que je commençais à devenir insupportable à la maison. On m’aurait vu poursuivre mon chat, pourchasser les mouches, pister les limaces avec ma tondeuse, arracher les feuilles de mes bambous, menacer ma famille de ne pas allumer le chauffage cet hiver à cause de la crise pétrolière, pire encore, de retourner vivre en Wallonie.

C’est alors que mon fils m’a supplié de recommencer à travailler, de trouver des sujets où je pourrais décharger mon trop plein de méchanceté. Il m’a avoué que j’étais un agneau quand j’ai décidé d’arrêter de fumer par rapport à l’arrêt de la Semaine infernale. «On aime mieux quand tu te décharges sur n’importe quoi à la radio plutôt qu’à la maison. On n’a rien fait nous, il n’y a pas de raison qu’on paye pour les autres» m’a-t-il déclaré les larmes aux yeux!

En plus moi, j’ai plein d’idées pour être méchant! Faut dire qu’il y a de la matière, hein. J’enfile mes pantoufles, je m’installe derrière mon ordi et je me frotte les mains pour commencer à vous distiller quelques horreurs savamment malaxées dans mon petit cerveau pendant ces jours entiers à regarder tomber la pluie au travers des vitres souillées par les orages presque quotidiens. C’est vrai, en Belgique, il faudrait presque engager une technicienne de surface rien que pour laver les carreaux.

Faut dire que rien que dire du mal du temps dans notre pays, ça nous soulage déjà un peu. Vais-je vidanger mon surplus de bile sur nos politiciens qui ont, d’après les sondages, autant de crédibilité auprès de leurs concitoyens qu’un yaourt 0pc n’a de matières grasses? C’était sans compter sur l’intervention d’un auditeur qui, passé sur mon blog, était écoeuré à la vue de photos de Super Wallon voguant mollement sur un voilier pendant que Jean-Claude Van Cauwenberghe suait sang et eau à Spa pour mettre au point le fameux plan Marshall wallon. Je me suis alors souvenu de ces images insoutenables tournées dans un petit local de travail où les têtes pensantes de Wallonie se creusaient les méninges pour nous sortir de la mouise. Et ce, LE jour où il a fait beau.

Au lieu de me trouver aux côtés de notre chef wallon, je sirotais des boissons fraîches et légèrement alcoolisées au large de la Hollande. Peut-être que mon inconscient me dictait de trouver d’autres endroits pour vivre au cas où notre belle Wallonie imploserait malgré la finesse de ce magnifique plan de relance.

C’est au moment où j’allais exceptionnellement encenser les efforts de nos têtes pensantes que mon ordinateur a véritablement rendu l’âme. Il s’est éteint lamentablement mettant fin à mes efforts de gentillesse. On ne peut même plus compter sur le matériel. Dans quel monde on vit, je vous le demande et c’est dans la plus grande confusion que je m’aperçois que le temps qui m’était imparti vient de se terminer. Ce n’est donc pas encore aujourd’hui que je pourrai dire du mal! Heureusement, je n’ai pas pu dire de bien non plus. Je m’en vais redonner un grand coup de pied dans cet ordinateur qui va passer tout l’hiver sur la terrasse, on verra s’il fera encore autant le malin au mois de mars.

[La semaine infernale, Bruno Coppens] Mon comique out

The 2008-06-15 at 22:33 by Eddy

Mesdames, messieurs, chers amis, aujourd’hui, j’ai une révélation à vous faire: je vais tout arrêter. Oui, je vais quitter cette joyeuse équipe pour toujours, embrasser une dernière fois le front de Jacques et baiser délicatement le dé de Virginie qui m’a procuré tant de plaisir… Là, je parle du dé, bien sûr… Je vais enfin vider l’eau de mon Bain Zen, dire adieu aux lardons, amis de Mr Virgule. Adieu fête de la langue française, villes des mots, Québec, Avignon… Bref, me taire à jamais car je rentre dans les ordres. Oui, vous avez bien entendu, «dans les ordres». J’arrête donc de tenter de faire rire. Voilà pourquoi aujourd’hui je fais mon comique out.

Oh non, je n’ai pas succombé au charisme de Benoît Sixteen lors de son méga-concert à Cologne. Non, je n’ai pas entendu la voix de Dieu comme Jeanne d’Arc en son temps. Rien de religieux là-dedans car je rentre dans les ordres… nationaux! L’appel est venu un matin du bureau de la ministre de la Culture, Fabiola Laanan, m’annonçant que j’allais être élevé au rang de «Chevalier de l’Ordre de la Couronne» le vendredi 23 septembre à 16h au Botanique. Sur le coup, je me suis dit: «Ça y est! C’est fini. Ma carrière s’achève aujourd’hui.» Eh oui, que puis-je espérer de plus que «chevalier», moi qui, dans la vie, n’ai réussi qu’à grimper sur un cheval de bois et n’ai jamais attrapé la floche! Inespéré! Et cette remise de médailles me fait penser à ces patrons qui organisent une mise à la retraite anticipée de leurs employés en leur accordant coupe, honneurs et p’tits cadeaux. Cette médaille est une façon de me dire gentiment: «Voilà, c’était bien, bravo! Mais maintenant… C’est fi-ni. Tu arrêtes de faire tous ces jeux de mots, ces textes tarabiscotés. C’était rigolo, bravo, Bruno, mais ça suf-fit! Mais réjouis-toi, tu finis chevalier!»

J’ai compris le signal. J’ai même eu la vision de mon épitaphe: «Ici-gît le tout petit maître des mots: Rochefort 1982 - Botanique 2005». C’est dur mais c’est la vie. Quoique… Pourquoi «maintenant» ? Pourquoi justement une semaine après la diffusion sur cette antenne de mon billet de la Semaine infernale dans lequel je vilipendais le PS pour le Grand Prix de Francorchamps et justement quelques jours après avoir, dans le Soir Mag, critiqué ouvertement Di Rupo et Van Cau pour leur plan qui Marche mal? C’est justement maintenant que via la ministre Dalida Laanan, ils osent m’honorer! Ou bien ils sont maso ou alors ils n’écoutent pas l’émission et ne lisent pas les revues. Ou alors… Ils veulent me récupérer?!?

Ah oui, évidemment! Ils me donnent un cadeau pour acheter mon silence. Comme on noie le poisson en lui offrant un bel aquarium, pour être sûr qu’il reste muet comme une carpe. Ah, ils veulent que je rentre dans l’ordre, on veut me rouler dans la farine, la farine à la banane-là avec sa médaille de Chevalier de l’Ordre de la Couillonne! Non! On ne m’achète pas, moi! Ou alors… C’est sans facture et sans trace écrite!

Mais… Mais là… Je deviens complètement parano. Comme si ce que je racontais ici ou là avait une quelconque portée sur leurs décisions. Les bouffons du roi déballaient tout sur la royauté et le roi applaudissait! Non, ce n’est pas ça… Mais alors peut-être que cette médaille est… une bonne nouvelle!?? Oui, en fait, j’ai tout faux. Ce n’est pas la fin pour moi mais un nouveau début. Bon sang mais c’est bien mûr! Ils me font chevalier parce qu’ils me sentent capable de réaliser des actes dignes d’un chevalier, parce que je possède l’idéal chevaleresque. Du coup, je sais qu’ils vont m’appeler très vite pour m’occuper de la Carolorégienne. Mais oui! Pourquoi pas moi? Philippe Busquin dirige bien Charleroi/Danses! Je défendrai la veuve et l’orphelin car la Carolorégienne vit à l’heure carolingienne, au temps de Charlemagne, avec la plèbe coincée dans des HLM et des élus qui font bombance, portent Lacoste et roulent en carrosse! Au passage, je remettrai de l’ordre au PS de Charleroi! Ah! Ça, c’est plus qu’une mission, c’est carrément une croisade digne de la quête du Graal! Et le PS liégeois à côté, c’est de la petite bière sans alcool.

Oyez, oyez, braves gens, le Chevalier de l’ordre de la couronne estoit parti en ceste jour de l’an de Grâce Hollogne 2005, le coq wallon pour bannière, mon corps étant dard, l’épée tirée hors de son Fouron, je partois redresser le mien territoire, rendre les Wallons fiers de nostre Wallonie, une région si tant belle… (chantant) «C’est un endroit qui ressemble à la Louisiane, la Wallonie!»… Enfin, la Louisiane… C’est p’têt pas le bon exemple… Oyez, oyez! Je ne serois point soliste sur ceste route. D’autres chevaliers rejoindront le mien destrier: Pierre Kroll, Frédéric Jannin, Stéphane Liberski et Jacques Lemercier, eux aussi adoubés chevalier par Francis Lalanne. Nous seroyons réunis comme les 5 chevaliers de ceste ronde table! Ah! Manant, toi qui m’escoutilles, regarde… D’être porté par ceste mienne destinée, du coup, je gonfle! J’enfle du cou! Mon cou devient hyper-trop-fier! Moi, chevalier, annobli en ceste festoyante année pour la wallonne région, en ceste année jubilaire pour la Belgique, avec l’assenstiment du Roi des Belges lui-même, un peu comme si Dieu m’avaist élu! Chevalier? Parce que je le vaux bien! On ne donnoit pas rescompense à tout le monde!

Et soudain je revois deux visages. Deux personnes qui ont reçu elles aussi une médaille: Claude Barzotti, Anne-Marie Lizin. C’est sûr, les voies du seigneur sont impénétrables.

[La semaine infernale, Raoul Reyers] Fié d'esse super Wallon

The 2008-06-15 at 22:32 by Eddy

Je vous avais dit que j’avais les résultats du sondage réalisé par un groupe de presse wallon. Eh bien, je me fais un plaisir d’y ajouter un petit commentaire. Dans la catégorie Wallons, les résultats sont les suivants:1. Benoît Poelvoorde (23pc); 2. Les frères Dardenne (15pc); 3. Adamo (12pc). Tous ceux qui ont réussi à l’étranger au fond. Tous ceux qui arrivent à exporter une image positive de la Wallonie. Un point positif encore, le Wallon est attiré par la culture.4. Elio Di Rupo (10pc), et encore c’était avant qu’on ne découvre que les socialistes, que dis-je des socialistes de Charleroi, sinon on parlerait d’amalgame, allaient au resto et s’achetaient du vin avec le pognon destiné aux logements sociaux. Une affaire qui ne se reproduira plus, j’en suis sûr. Sinon, il se serait sans doute retrouvé en fin de classement avec Enzo Scifo.5. Julos Beaucarne (7,2pc). Quoi de plus normal! 6. Gabriel Ringlet (4,4pc). Pas mal! C’est que ce garçon inspire confiance sans doute. 7. Alain Hubert (3,4pc). 8. Louis Michel (3,4pc). Peut mieux faire. 9. Jean-Michel Saive (3,4pc). 10. Philippe Maystadt (2,7pc). Beau score pour Philippe Maystadt, qui a su faire du bien aux finances wallonnes à l’époque. Le Wallon le lui rend bien. Il est sans doute le pion qui manque au plan Marshall.11. François Walthéry (2,7pc). Bien joué, François. 12. William Dunker (2,6pc). Peut être parce qu’il n’est plus trop au faîte de l’actualité en ce moment. 13. Albert Frère (2,4pc). Le Wallon a compris qu’il n’y a pas que l’argent dans la vie, et c’est heureux, sinon il serait encore plus malheureux, le Wallon.14. Robert Waseige (2,2pc). 15. François Duval (1,2pc). 16. François Pirette (1,2pc). Tous les sportifs en queue de peloton, le Wallon préfère la frite et le cervelas chaud au sport. 17. José Happart (1pc). Mon Dieu, comme il doit être déçu! Et Fourons, qu’est-ce que ça devient au fond? 18. Olivier Gourmet (0,9pc). Sans doute parce que le Wallon fait confiance aux Frères Dardenne sans aller voir leurs films. 19. Franco Dragone (0,7pc). C’est qui ça, encore? 20. Enzo Scifo (0,1pc). Faudra qu’il se mette à la politique. On en a vu d’autres.

En ce qui concerne la gent féminine, le choix du Wallon, j’en suis certain, n’est pas sexuel, car pour choisir en numéro un Justine Henin (31pc) et en numéro deux Anne-Marie Lizin (13pc), il a dû s’intéresser uniquement à la performance, en tous cas pour Justine Henin. 3. Princesse Mathilde (10pc). Il faut dire que nos chaînes de télévision nous servent beaucoup de famille royale sur un plateau tous les week-ends. C’est sûr que si on faisait des émissions spéciales avec Enzo Scifo et Sandra Kim, ils ne seraient pas derniers du classement.

En numéro 4, Anne Delvaux (7,4pc). Ah, comme quoi la sympathie du Wallon est inversement proportionnelle aux sondages télévisés puisque Florence Reuter n’est que douzième. A notre tour de pousser un petit cocorico. 5. Joëlle Milquet (5,5pc). 6. Maurane - pourquoi pas? (5,2pc). 7. Cécile de France (4,7pc). 8. Fabienne Bister (4,3 pc). J’avoue avoir dû aller sur Internet pour savoir qui était Fabienne Bister, comme quoi le Wallon s’y connaît en moutarde.9. Marie Gillain (2,6pc). Ben moi, j’aime bien toutes les actrices belges. Le Wallon doit plutôt être cinéma américain pour ne pas montrer plus d’affection pour autant de talent. 10. Malvira (2,5pc), devant Laurette Onkelinx (2,3pc), il n’y a pas de justice, doit penser Laurette. 12. Florence Reuter (2,3pc). 13. Princesse Claire (2,1pc). 14. Emilie Dequenne (1,9pc). 15. Julie Taton (1,8pc). 16. Marie-Anne Belfroid (1,7pc). 17. Marie-Pierre Mouligneau (0,9pc). La météo ne fait pas le beau temps, c’est une évidence maintenant.

En dix-huitième place, Marie Arena (0,6pc). C’est la douche froide pour Marie. Va lui falloir au moins un coca pour digérer ça. 19. Sandra Kim (0,2pc). Une première place à l’Eurovision ne dure pas vingt ans, comme ça on le sait. 20. Anne-Marie Kumps (0,2pc). On n’est jamais récompensé quand on travaille à l’université. C’est la dure loi de la médiatisation.

Conclusion: les politiciens wallons n’ont pas vraiment la cote, pas plus que les sportifs et les actrices de cinéma. Les sondés voient plus une lueur d’espoir en ceux qui les exportent positivement à l’étranger. On dirait que le Wallon commence à souffrir de sa «wallonitude». Et ce n’est pas comme ça qu’il va s’en sortir. Allez, les gars, un bon coup de pied dans le fond et vous verrez que le bout du tunnel n’est pas si loin, sauf peut-être si on l’a bouché à l’autre extrémité.

[La semaine infernale, Juan d'Oultremont] Evadez-vous!

The 2008-06-15 at 22:31 by Eddy

Mon ami Alain Geronnez, qui est l’artiste que l’on sait et qui depuis des années quadrille Bruxelles pour y photographier tout ce que la ville peut compter d’anachronismes et de dysfonctionnements, s’est fait embarquer l’autre jour par la police de Forest, menotter et jeter au cachot parce qu’il photographiait l’abribus placé avenue de la Jonction, juste devant la prison. Autant vous l’avouer tout de suite, moi je suis pour que chacun fasse au moins une fois dans sa vie l’expérience virile d’un passage à tabac dans un commissariat de police, d’autant que depuis la suppression du service militaire, on aurait tendance à se ramollir. Et puis faisons la part des choses, le commissariat de Forest, ce n’est ni Guantanamo, ni Abou Graïb. Il ne s’est pas fait photographier, tenu en laisse par une auxiliaire de police de sa commune, et même si ça avait été le cas, sans doute ne s’en serait-il pas plaint outre mesure. Non, je lui ai dit, à mon ami Alain, en gros, ici, question vexations policières, on est plutôt peinard. Surtout quand on est blanc… On lui aurait coupé les doigts comme au Chili de la grande époque, je comprends qu’il aurait gueulé, surtout que pour prendre des photos avec les pieds, ce n’est pas simple. Mais là, non, ils l’ont juste jeté dans le fond de leur voiture les bras attachés dans le dos et mis au trou…

Et puis, il faut savoir ce qu’on veut. Les gens semblent oublier qu’on a déclaré la guerre totale au terrorisme! Alors en temps de guerre, qui plus est «de guerre totale», normal qu’il y ait de temps à autre des dégâts collatéraux.

Sans doute allez-vous me demander: pourquoi diable est-ce qu’il photographiait l’abribus Decaux de l’avenue de la Jonction, juste devant l’entrée de la prison? C’est précisément ce qu’ont voulu savoir les policiers en civil qui l’ont molesté. Eh bien, tout simplement parce qu’il n’y a pas de bus qui passe avenue de la Jonction… Sans doute fallait-il la vigilance d’un artiste pour relever le caractère absurde de sa présence et surtout le mauvais goût des publicités qui s’y étalent de façon sporadique et sur lesquelles une compagnie d’aviation déclare en grosses lettres: «Evadez-vous!» Quand on sait que cet abribus est sans doute destiné aux familles de détenus attendant les heures de visite, on se dit que la publicité est un métier d’abrutis… Ça les a énervés, les policiers, cette explication. Comme le reconnaissait le commissaire, un peu gêné par l’attitude de ses hommes: l’initiation à l’art contemporain n’est pas une priorité dans leur formation. Et c’est vrai que ce n’est pas avec les diminutions d’impôts promises par Didier Reynders qu’on va leur apprendre en plus l’analyse d’images et la danse de salon. En plus, depuis qu’avec son émission «Enquête», RTL a fait de l’activité de police un spectacle à haute valeur ajoutée, ils espèrent tous passer au moins une fois à la TV. Voir même terminer à Paris comme Virginie Efira.

Comme je ne suis pas le seul à entretenir le souvenir enfantin des coups de bâton de Guignol, je n’ai eu aucune peine à convaincre une centaine de photographes de se retrouver samedi midi devant la prison pour immortaliser l’abribus en question. La vache, ce que c’était drôle, beau et particulier de voir ce déchaînement d’appareils sous le soleil de septembre. Une sorte de vengeance paisible contre la brutalité et la connerie! Une vraie «place to be». Comme quoi, face à la bêtise, la réponse la plus efficace reste encore l’humour et la dérision.